Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


jeudi 26 mars 2015

La bande dessinée raconte de multiples histoires.

Peyo nous montre comment taper dans l’œil de tout le monde en racontant toutes les histoires qu'on a envie de lire en même temps.

Peyo (et tout son studio), le schtroumpfissime, Dupuis.

BON, ALORS, COMMENT ON PEUT CLASSER LES DIFFÉRENTS TYPES DE RÉCITS ?

Je sais pas vous, mais, moi, je les classe en quatre catégories. (Pourquoi quatre ? Parce que comme ça, ça fait autant que de doigts de la main, et c'est carré.) Des catégories qui se positionnent toutes par rapport au lecteur et lui permettent de vivre telle ou telle expérience au travers du récit.

Alors, le lecteur, qu'est-ce qu'il veut ?

LE LECTEUR VEUT COMPRENDRE COMMENT LE MONDE FONCTIONNE.

Soit on est dans un récit classique de contraste, dans lequel un bonhomme découvre une ville / un pays / une planète / un mode de vie différent. Et là, la découverte du nouveau monde est utile pour la comparer à la vie / société / génération connue du lecteur.

C'est vrai que c'est la honte.

Dans cette catégorie, on peut classer Les voyages de Gulliver de Jonathan Swift (Gulliver rencontre plein de sociétés cheloues qui révèlent en creux les torts de la nôtre), L'emploi du temps de Michel Butor (le personnage principal arrive pour travailler en Angleterre, comprend rien à rien, est paumé, paranoïaque, et nous avec), ou Moins que zéro de Bret Easton Ellis (le jeune américain blanc riche Los Angelesien, cet univers impitoyable (et vide de sens)).

C'est le type de récit qui est le plus à même de créer une narration poétique, pour mettre l'accent sur le langage, les images, les sonorités, tout ce qui peut décrire et concrétiser un univers.

Si ça c'est pas 1°) la découverte d'un nouveau monde, 2°) à portée universelle, 3°) et poétique, 
vous êtes vraiment très très exigeant.

ATTENTION.

Tous ces récits ne sont pas forcément peuplés de zorglons bleus à quatre yeux (dont deux sur le postérieur). Par exemple, TOUS les récits durant la seconde guerre mondiale misent TOUJOURS sur le bon vieux « c’était tellement loin et ça nous paraît tellement proche », ou encore « c’était tellement proche et ça nous paraît tellement loin », mais surtout « et nous, qu’aurions-nous fait ? hein ? halàlà, quand même ».

EN TOUS LES CAS.

C'est ce genre de récit qui est le plus à même de créer de l'empathie entre le lecteur et les personnages.

 Astérix chez les bretons joue sur les deux tableaux : identification de ce que nous avons en commun avec les gaulois,
 et comparaison des gaulois avec des modes de vies différents (bretons, normands, belges, goths, arvernes, légionnaires, etc).


POUR RÉSUMER :

Dans ce type de récit, on considère les règles qui régissent cet univers comme données, allant de soi. C'est comme ça que ça se passe et puis c'est tout.

Mais d'autres types de récit essayent de démontrer ces règles, de donner des exemples de pourquoi il faut faire telle chose ou ne pas faire telle autre.

LE LECTEUR VEUT SE DONNER DES RÈGLES QUI JUSTIFIENT SA PLACE DANS CE MONDE.

En premier lieu, on pense au conte, qui essaye toujours de faire un récit édifiant, duquel on peut tirer une morale. Grand gagnant : les fables de La Fontaine, par exemple. Alors, oui, c'est bien écrit, oui c'est de la littérature top cool, SAUF QUE, c'est avant tout un récit court à la conclusion évidente qui permet de méditer sur la vie avec sa grand-mère Gertrude les soirs de scrabble.

Mais, a contrario de ce genre de récit, on peut également penser au polar. Quelqu'un est mort. C'est pas cool. On va régler ça (avec plus ou moins de dégât suivant les modes) en soulevant un problème (qui a commis le crime ?) (pour faire comprendre que c'est un problème et pas un truc normal) et donner une réponse morale (pourquoi ?) (tout a une raison) (sinon, si le monde n'a pas de sens, à quoi servent les règles ? autant devenir anarchiste, ou pire, économiste de gauche).

On dirait une bio du Docteur Martin Luther King. C'est poignant.

Du coup, ça peut paraître normatif comme style : on doit faire ci, on ne doit pas faire ça, etc...


Faut voir que ça peut être tout le contraire : si un personnage suit toutes les règles et qu'il lui arrive que des tuiles, qu'en conclure ? Si un personnage, en allant contre les règles, obtient tout et encore plus, qu'en penser ? On peut jouer avec les attentes du genre, et verser dans un côté métaphysique pas dégueu.

Quand il y a une mouche dans le lait de la machine à écrire de la règle, ça devient vertigineux.
(Cette phrase est imbitable, sauf pour ceux qui ont vu le film.) (Des gens biens, si vous voulez mon avis.)

Bref, plus que de définir des règles, il peut s'agir d'essayer de discerner des codes pas toujours évidents.

S'IL N'A PAS DE PLACE, LE LECTEUR VEUT FAIRE EN SORTE D'EN OBTENIR UNE (SI POSSIBLE AU SOLEIL).

On se retrouve là avec un schéma de personnage qui veut transformer son rôle dans une communauté. 

Et ça peut être très varié : une love story (le héros est seul, il veut transformer son destin et ne plus être un looser), une success story (le héros est seul, il veut transformer son destin et ne plus être un looser), une rise and fall story (le héros est seul, il veut transformer son destin et ne plus être un looser, mais il se rate), une revenge story (le héros est seul, à cause d'un gusse qui lui a chié dans les bottes, mais il va transformer son destin en bottant des culs, et ne plus être un looser), un swashbuckler (le héros est seul, et il cherche un trésor) (ha non, un swashbuckler, ça marche pas) (c'est trop difficile à orthographier, de toutes façons). (Mais par contre, les comédies sont souvent basées sur ce principe : un mec qui est pas à sa place (ça fait des gags), et qui va la gagner, sa place (ça fait du fond).)

Trouver sa place, avec une chouette bande de copains, ça fait toujours plaisir.

Dans tous les cas, c'est une histoire qui a vocation à susciter l'émulation, si pas l'imitation. On se compare par rapport à la vie d'un personnage et on se dit « pourquoi pas moi » ou « quel looser ce mec, je ferais jamais pareil », ce qui peut être très bien et réellement inspirant (les misérables, c'est l'exemplarité de Jean Valjean), ou très pas bien, quand le modèle choisi est basé sur un sophisme à la con.

Forcément, si on part du principe que nazi = supérieur = cool...

Alors attention ! Ça pourrait être vu comme la même chose que le deuxième type de récit (donner des règles qui justifient notre place dans le monde). Sauf que c'est plus une sorte de manuel : tu veux aller où est allé le personnage, voilà toutes les règles qu'il a suivi.

« Voilà ce qu'il faut faire, petit, à toi de jouer. »

Les fables expliquent comment déplacer une par une les pièces d'un échiquier. Les success story montrent une partie de Kasparov (dont on a pas forcément besoin de connaître les règles, d'ailleurs).

Mais reste la dernière forme.

LE LECTEUR VEUT ÊTRE PLUS OU MOINS SÛR QUE S'IL PERD CETTE PLACE, IL ARRIVERA À RETOMBER SUR SES PIEDS.

Mettons que le lecteur est américain (y a pas plus connu comme univers), roule en-dessous des limites autorisées (il connaît les règles et s'y tient), et possède un chalet à Gstaad (il EST une success story).

Bhé alors ? Du coup, il ne va plus s'intéresser à rien ? 

Bien sûr que si. Parce qu'il pourrait TOUT PERDRE ! (Une recette que connaissent bien David Pujadas et BFMTV pour mobiliser notre attention.) (« Vous avez retrouvé un emploi et le prix de l'essence baisse, oui mais regardez bien cet homme qui a retrouvé un ornithorynque décomposé dans sa boîte de raviolis, cet homme, ce pourrait être VOUS ! ») (« !! »)

Y a pas à dire, c'était mieux avant.

Dans ce type de récit, il s'agit de modifier le fonctionnement du monde connu et de réussir à gagner un nouvel équilibre.

Tom Cruise jeune + Cuba Gooding Junior + réalisé par Cameron Crowe = Je ne suis plus tout jeune.

Basiquement, tous les films catastrophes et presque tous les films d'action sont basés sur ce schéma (on enlève la fille à Oscar Schindler, et pour reformer sa tendre famille équilibrée, il bute du roumain -parisien-mal-lavé par paquet de douze).

C'est aussi ce qu'on retrouve chez Navarro et Julie Lescault (les moins jeunes d'entre nous savent de quoi je parle) : y a eu plein de soucis de partout durant l'épisode, Julie a du ronchonner, Navarro a du bouger de son siège, bref, c'était vraiment intense ; mais, heureusement, à la fin, les commissaires sont récompensés de leurs bravoures et retrouvent une situation stable au sein de leurs familles tout gentils tout mimis, et Babou a un nouvel amoureux comme c'est charmant.

Là encore, tout ceci peut être assez normatif, à base de travail-famille-patrie (on fait bien son travail, on retrouve sa famille, on a sauvé sa patrie), mais peut être également subverti tout en douceur en montrant simplement que le changement peut apporter quelque chose de bénéfique, une modification du modèle qui en est aussi une amélioration (ce que ne fait pas BFMTV en montrant tout ces petits commerce qui ferment-ahlàlà-c'est-la-crise-ahlàlà-c'est-la-France-qu'on-aime-qui-se-meurt).

Perte de son statut de rigolo.

Et recouvrement de son statut de rigolo 
(avec en plus modification du fonctionnement de la société et inspiration d'une résistance).

BON. BREF.

Toutes ces méthodes, ces styles de récits permettent d'intéresser le lecteur à ce qui se passe sous ses yeux ébahis, en lui permettant de se positionner face à ce fameux récit (il compare son monde à celui exposé, se positionne par rapport aux règles énoncées, est inspiré (ou pas) par les destins décrits, est interpellé par Bruce Willis tuant des sales russes communistes mafieux pour sauver son fils de la menace nucléaire (ouais, carrément) (on sait vous faire voyager à Hollywood)).

ALORS OUI, JE SAIS CE QUE VOUS ALLEZ ME DIRE.

Vous allez me dire que ces catégories sont un peu inutiles et que, si le loup de Wall Street peut effectivement se caser dans la rubrique « trouver sa place au soleil », il peut aussi se placer dans « comprendre comment le monde fonctionne », et dans un peu toutes les catégories en même temps ; et que ça marche comme ça avec un peu tous mes exemples.

ET VOUS AUREZ RAISON !

(Car en plus d'être beau / belle, vous êtes intelligent / e.)

MAIS JE VOUS RÉPONDRAIS : C'EST FAIT EXPRÈS.

Et j'essayerai de vous l'expliquer la semaine prochaine.

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