Bill Watterson s'entête ! Ça va ! On a compris que vous étiez le plus fort ! Il va falloir nous laisser, Monsieur !
(Alors, attention, c'est super long. Mais, en même temps, je pouvais quand même pas faire quinze billets sur la même BD.)
(Alors, attention, c'est super long. Mais, en même temps, je pouvais quand même pas faire quinze billets sur la même BD.)
Bill Watterson, Calvin &Hobbes, Universal Press Syndicate (?) & Les éditions du Lézard.
(Ça, au mois, ça change pas. C'est important d'avoir des repères, dans la vie.)
REVENONS A NOS MOUTONS...
Je disais la semaine dernière que (selon moi, hein...) le coeur de Calvin & Hobbes réside dans la question : « Est-ce que Hobbes est un tigre en peluche issu de l'imagination de Calvin et de l'auteur ? ».
(Une question que tout le monde s'est au moins posé une fois en lisant Calvin & Hobbes.)
(Enfin... J'espère. Sinon toute la chronique tombe à l'eau.)
D'AILLEURS, WATTERSON LUI-MÊME NE TRANCHE PAS :
« Hobbes est un jouet en peluche dans une case et vivant dans la suivante, je juxtapose la vision adulte de la réalité avec celle de Calvin, et j'invite le lecteur à décider laquelle lui semble la plus vraie. »
QUOIQUE...
« Mais la BD n'affirme rien. C'est l'hypothèse que font les adultes parce que personne ne voit Hobbes de la même manière que Calvin. Certains journalistes qui écrivaient des articles sur les amis imaginaires m'ont demandé un commentaire à ce sujet ; et je m'y suis toujours refusé, parce que je ne connais absolument rien aux amis imaginaires. Il me semble que, si vous vous inventiez un ami, vous feriez en sorte qu'il soit toujours d'accord avec vous, et pas qu'il vous dispute sans arrêt. Je soupçonne donc Hobbes d'être bien plus réel que n'importe quel enfant pourrait en rêver. »
C'EST CE QUI S’APPELLE ENTRETENIR LE DOUTE, DITES-DONC.
Parce que, au final, c'est la question en elle-même qui forme le coeur de cette bande dessinée. Pas la réponse.
ÇA Y EST. JE LE SAVAIS. IL SE DÉFILE. IL NE VA PAS RÉPONDRE.
(Une question que tout le monde s'est au moins posé une fois en lisant Calvin & Hobbes.)
(Enfin... J'espère. Sinon toute la chronique tombe à l'eau.)
D'AILLEURS, WATTERSON LUI-MÊME NE TRANCHE PAS :
« Hobbes est un jouet en peluche dans une case et vivant dans la suivante, je juxtapose la vision adulte de la réalité avec celle de Calvin, et j'invite le lecteur à décider laquelle lui semble la plus vraie. »
QUOIQUE...
C'EST CE QUI S’APPELLE ENTRETENIR LE DOUTE, DITES-DONC.
Parce que, au final, c'est la question en elle-même qui forme le coeur de cette bande dessinée. Pas la réponse.
ÇA Y EST. JE LE SAVAIS. IL SE DÉFILE. IL NE VA PAS RÉPONDRE.
Ah non mais si si, je vais essayer de répondre.
Mais je vais aussi essayer d'expliquer pourquoi cette réponse n'a aucune importance.
Mais je vais aussi essayer d'expliquer pourquoi cette réponse n'a aucune importance.
AH ÇA M'A L'AIR ENCORE SIMPLE, CETTE HISTOIRE !
Le problème de Calvin & Hobbes est de savoir de quel point de vue on se place. Est-ce qu'on est dans la tête de Calvin (Hobbes est une peluche) ? Est-ce qu'on est dans la tête de Hobbes (Hobbes n'est pas une peluche) ? Est-ce qu'on est dans la tête de Watterson (Hobbes est ce que Watterson veut bien qu'il soit) ?
Le mystère de la peluche à rayures.
ET POUR RÉPONDRE A CETTE QUESTION : UN PETIT COURS BIEN CHIANT.
On sépare en général les points de vue en trois catégories :
La focalisation zéro. Exemple : « Je suis Dieu et je sais tout sur tout. En particulier ce que tu as fait hier soir dans ta chambre. Et ça me fait beaucoup de peine. Notamment pour ce pauvre hamster qui n'avait pas l'air bien consentant. Ça me désole encore plus de savoir ce que tu feras dans le futur de ces DVD d'Hamtaro que tu viens de commander. Oui ! Je sais tout ! »
La focalisation interne. Exemple : « Je suis un journaliste économique et (saloperie de nantis de chômeurs) vous ne percevrez le monde (saloperie de nantis de fonctionnaires) qu'au travers (réforme structurelle) de ce que je pense (saloperies de nantis de français) et de ce que je vois (Pujadas, tu es beau), rien d'autre (pauvre entrepreneurs exsangues). »
La focalisation externe. Exemple : « Je suis un simple spectateur du quotidien qui ne connaît ni les pensées de ce quidam marchant en pâlissant avec un cadavre de cochon d'Inde dans les mains, ni celui de ce particulier tout rouge qui déchire un exemplaire de l'Huma en criant que la France n'est rien sans les chefs d'entreprises. Je ne me réfère qu'aux faits. »
ET LÀ !
Sous vos yeux ébahis (et beaux) (et soyeux), je fonde une quatrième catégorie :
LA FOCALISATION MULTIPLE.
Qui consiste à naviguer entre les points de vues, à passer de l'un à l'autre à un troisième, comme ça, quand ça nous chante, parce que c'est plus pratique. ET A NE SURTOUT PAS UTILISER LA FOCALISATION ZÉRO (on est avec les persos, pas au-dessus d'eux).
C'est ainsi que Watterson se rapproche toujours plus de ses personnages... Quels qu'ils soient.
Parfois, il fait de la focalisation externe (les faits, rien que les faits).
Quand Watterson parle de la guerre, c'est sérieux, c'est carré, c'est focalisation externe, ce sont des faits :
la guerre, c'est débile.
la guerre, c'est débile.
Parfois, il fait de la focalisation interne (uniquement dans la tête d'un personnage).
Parfois, il alterne plusieurs focalisations internes (un coup Calvin, un coup Hobbes, un coup les parents).
Point de vue de Calvin ensuqué, puis point de vue de Hobbes-le-meilleur-chasseur-du-monde,
puis point de vue de Hobbes-terrorisant-sa-proie, puis point de vue bienveillant des parents.
puis point de vue de Hobbes-terrorisant-sa-proie, puis point de vue bienveillant des parents.
Parfois, il fait de la focalisation interne qui se finit en focalisation externe.
Et que dire quand deux focalisations cohabitent dans la même case ?
Ici, les points de vue de Susie ET Calvin se côtoient sans se contredire.
VOUS AUSSI, VOUS AVEZ MAL A LA TÊTE, OU C'EST MOI QUI COUVE QUELQUE CHOSE ?
Au découpage.
Des cases et inter-cases de tailles identiques pour des instants de durées et de valeurs identiques.
Un aparté qui n'a rien à voir mais vous vous rendez compte que Watterson utilise même les inter-cases pour dire quelque chose ?
(Des inter-cases plus minces ou plus larges selon le temps qui se passe entre chaque case.)
MÊME LES INTER-CASES, BORDEL DE MERDE !
Au scénario, aux personnages, à ce que l'on sait d'eux.
Ou à tout en même temps.
BON, MAIS SINON, ON NE S’ÉLOIGNE PAS UN PEU DE LA QUESTION ?Tout ça pour dire que Watterson fait cohabiter le point de vue des différents personnages entre eux...
OUI, D'ACCORD, ET ALORS ?
Et alors ces points de vue multiples permettent d'en apprendre plus sur nos deux héros.
PAR EXEMPLE :
L’AMITIÉ DES DEUX HÉROS.
Hobbes ne se conforme jamais à la vision de Calvin. Il n'est jamais vu par Calvin comme un alien, un dinosaure ou un monstre. Il est vu comme Hobbes. Les imaginaires de Calvin et Hobbes s’équilibrent et rentrent en symbiose, pas en concurrence.
L’AMITIÉ DES DEUX HÉROS FACE AU MONDE.
Calvin et Hobbes sont deux personnages perdus dans un monde qu'ils ne comprennent ni ne maîtrisent.
Calvin est dominé par ses parents et plus généralement par le monde adulte. Hobbes, c'est pas beaucoup mieux : il se conforme sans cesse à ce qu'on attend de lui. Susie voit en lui un gentil agent double ? Il aide Susie. Les parents ne voient en lui rien de plus qu'un doudou ? Il est ce doudou. La brute de l'école pense qu'il est complètement inutile ? Il est compl... Ha non, flûte, ça marche pas.
Ça ne marche pas, parce que, dans ce cas, la manière qu'a Calvin de voir son meilleur ami l'emporte sur la manière qu'à la brute de le voir. L'amitié des deux compères est plus forte que la bêtise de l'autre guignol. On peut être bridé jusqu'à un certain point, mais pas jusqu'au point de renier son meilleur ami et de ne pas lui venir en aide.
(Quand Hobbes se conforme à la vision que les parents ont de lui, c'est que 1°) Calvin est aussi dominé par la vision des parents ; 2°) les parents veulent le bien de Calvin.) (Quand Hobbes se conforme à la vision que Susie à de lui, c'est parce que Susie est trop craquante. Et que Calvin est, au fond, d'accord avec ça. )
L’AMITIÉ DES DEUX HÉROS EXPLORANT LE MONDE.
Ils utilisent leurs imaginations (parfois c'est celle de l'un qui mène la danse, parfois c'est celle de l'autre) (souvenez-vous du calvinball) pour essayer de se construire un monde à leur hauteur et à leur image.
L'univers entier leur donne de nouveaux terrains de jeux à découvrir et où s'épanouir.
Cette démarche rejoint celle de Watterson (que j'ai essayé de décrire dans les posts précédents), qui a réussi à s'aménager des terrains de jeux quasiment illimités dans lesquels il peut changer de sujet, de genre de récit, de style de dessin, sans perdre le lecteur une seule seconde. La liberté qu'a Watterson de changer la forme ou le fond de sa bande dessinée quand bon lui semble, d'utiliser n'importe quel objet pour le transformer ou en faire un nouveau sujet de strip, rejoint la liberté qu'a Calvin de faire ce qu'il veut, où il veut, de ce qu'il veut.
L’AMITIÉ DES DEUX HÉROS AU CENTRE DE TOUT.
1°) Oui (à mon humble avis, tout ça), Hobbes est un vrai tigre, puisque quand il s'agit de ne pas faire semblant pour plaire aux parents ou à Susie, il peut très bien péter la gueule à Moe.
2°) On s'en tape, parce que cette question de savoir si Hobbes est un tigre ou pas sert surtout à développer d'autres qualités de la bande dessinée.
3°) On s'en tape, parce qu'il n'est pas important d'être sûr que Hobbes soit ci ou ça. Il faut juste qu'on doute de sa nature.
C'est vrai, après tout, vous pouvez toujours me rétorquer : « Quand même, on peut pas dire le contraire, votre explication est un peu vaseuse... » « Finalement, on doute toujours de l'existence de Hobbes. »
L’AMITIÉ DES DEUX HÉROS AU CENTRE DE TOUT.
1°) Oui (à mon humble avis, tout ça), Hobbes est un vrai tigre, puisque quand il s'agit de ne pas faire semblant pour plaire aux parents ou à Susie, il peut très bien péter la gueule à Moe.
2°) On s'en tape, parce que cette question de savoir si Hobbes est un tigre ou pas sert surtout à développer d'autres qualités de la bande dessinée.
3°) On s'en tape, parce qu'il n'est pas important d'être sûr que Hobbes soit ci ou ça. Il faut juste qu'on doute de sa nature.
C'est vrai, après tout, vous pouvez toujours me rétorquer : « Quand même, on peut pas dire le contraire, votre explication est un peu vaseuse... » « Finalement, on doute toujours de l'existence de Hobbes. »
AHA ! « ON DOUTE. »
Voilà tout l'intérêt !
Les sens aiguisés par cette question et ce doute continu, on cherche à comprendre, on évalue les différents points de vues, on essaye de se glisser dans l'esprit des gens extérieurs qui se demandent ce qui se passe entre cette foutue peluche et Calvin ; on essaye de se glisser dans les pensées de Hobbes, qui est peut être simplement très timide et gentil quand il est confronté à quelqu'un qu'il connaît moins que son meilleur ami. On se met à la place de tous les personnages.
J'aime bien les schémas, moi. Pas vous ?
Tout devient soudain possible pour un lecteur de Calvin & Hobbes. Même de croire qu'un petit garçon est ami avec un gros tigre aux belles rayures dans une petite banlieue de ville américaine. Ou que ce tigre est la simple peluche d'un garçon à l'imagination débordante. Ou qu'on assiste a une très belle amitié. Ou à une vision du monde unique.
Ce flux et ce reflux, fait du mouvement de l'imaginaire même, donne toute sa vie et toute son intensité aux récits de Calvin et Hobbes.
Une oeuvre dans laquelle la vie devient papier et le papier de la vie...