Aujourd'hui, on est libre et triste à la fois.
QUI DONC, VOUS DITES ?
Tayou Matsumoto a toujours été intéressé par les états d'âmes de ses personnages et comment en rendre compte de la manière la plus souple et élégante possible.
Ceux-ci sont confrontés à la mort, l'abandon, la solitude, l'incompréhension, le manque de sens, la violence, et essayent de trouver en eux et dans la contemplation de la nature et des autres un certain réconfort, une forme de sagesse et d'acceptation qui, parfois, les sauvent (ha bah, c'est sûr, ça rigole pas tous les jours non plus).
Matsumoto traduit cela par des images d'insert (des trucs qui n'ont rien à voir avec la choucroute) durant les scènes d'actions ou de repos, qui crée un décalage poétique décrivant le décalage émotionnel des différents personnages.
ET LÀ, ÇA SE GÂTE.
À l'opposé de Moebius, ou, disons, comme Giraud avant qu'il ne découvre son côté Moebius, Matsumoto se sentait obligé de donner une justification à l'intrigue générale de ses bouquins (regarder des gars contempler des brins d'herbes en pensant à la mort pendant 1000 pages, c'est quand même un brin spécial). Il disait donc au lecteur « bon, ok, là, c'est un peu perché, mais, ensuite, il va taper des tas de gars, donc ne zapper pas cher téléspectateur ») (on appelle ça « la tactique BFMTV »). Une mobilisation du lecteur assez balourde qui se transformait souvent en compte à rebours relou et prévisible (un gars va tuer tous les membres d'une organisation un par un, battre tous les joueur de ping pong un par un, tuer les samouraïs du prince bidule un par un).
Grosso modo, et c'est pas parce que je l'ai écrit la semaine dernière et que je veux retomber sur mes pattes, mais avouez que ça tombe quand même super bien : il se sentait obliger de dialoguer avec le lecteur, de lui donner du grain à moudre, un os à ronger, une balle passe-nerf à tripoter. Et cette balle, c'était son intrigue générale, balisée, vue mille fois, sans surprise.
ERREUR !
Nous avons vu avec Moebius que la meilleur solution, concernant le lecteur, c'est de l'envoyer chier et de tracer son chemin bille en tête sans en avoir rien à faire de rien (ni de personne) ! Il en est ainsi au pays des artistes ; ce sont souvent eux-mêmes qui se mettent des bâtons dans les roues, parce qu'ils n'ont pas assez confiance en eux. Des fois ça dure même toute leur vie. Mais, Tayou, lui, petit à petit, prenant conscience de son talent, s'est laissé aller, et a abandonné ces vielles stratégies scénaristiques moisies. Un jour, Tayou s'est dit « taïaut » (ne me remerciez pas, c'est tout naturel, moi aussi j'aime l'humour).
C'EST CE QUE VIENT DE COMPRENDRE MATSUMOTO (DEPUIS UNE DIZAINE D'ANNÉE).
Dansles chats du Louvre, un oeuvre de pure commande, parce qu'il faut bien vivre, et que le Louvre, grâce à ces partenariat avec les dictatures du Golf, a plein de pognon Sunny, Matsumoto se contente de décrire le quotidien d'un centre pour enfants abandonnés (une sorte de petite DASS privée dans une maison particulière). Le récit oscille alors entre tristesse de la situation, rêverie pour y échapper, et possibilité très concrète que ces gosses réussissent à s'en sortir, créant une sorte de suspense émotionnel poignant.
C'est, certes, tragique mais Matsumoto a laissé tombé toute velléité de structurer son récit, de donner un sens à son histoire générale. Il enchaîne donc les bouts de scènes, passe d'un personnage à un autre suivant ses envies, fait exactement ce qu'il veut.
(Comme de bien entendu, la situation décrite dans le bouquin est inspirée de ce qu'a vécu Matsumoto dans sa propre enfance et confère au récit une couleur fortement personnelle, une condition indispensable : exprimer ce que l'on a au fond de soi pour cristalliser un récit unique et échapper au bruit continu de la culture préexistante.)
Libérés de toutes entraves scénaristiques, les enfants qui évoluent dans ce centre semblent eux-mêmes évoluer en toute liberté. Pourtant, sans structure, leur environnement paraît fortement chaotique et déstabilisant.
Ce chaos et cette liberté apparaissent alors être les deux faces de la même pièce. L'un ne va pas sans l'autre. L'un génère l'autre, et inversement. Ainsi, lorsqu'on observe ces enfants perdus souffrir de l'incertitude dans laquelle les plongent leurs vies, on ne peut qu'envier la liberté que ce spleen semble paradoxalement leur donner.
C'est cette tension, ce déchirement, ce tiraillement, cet oxymore de sentiments qui donne toute sa beauté au récit de Matsumoto. (En plus, pour ne rien gâcher, le trait de Mastumoto, qui ne cesse d'évoluer de livre en livre, n'a jamais été aussi beau, précis, épuré.)
N.B. Petit point cocasse concernant toute la collection de bandes dessinées se déroulant au Louvre : ce sont toujours des commandes, les auteurs n'ont jamais aucune idée de comment intégrer le dit musée à leurs propres univers, ils font tous ça à l'arrache en mode yolo-on-va-faire-basique, ce qui mène donc immanquablement chacun des bouquins à être une belle merde. Une grande démonstration par l'absurde de ce que j'essaye d'expliquer depuis 2 posts. Merci à Futuropolis de s'être dévoué.
Tayou Matsumoto a toujours été intéressé par les états d'âmes de ses personnages et comment en rendre compte de la manière la plus souple et élégante possible.
Ceux-ci sont confrontés à la mort, l'abandon, la solitude, l'incompréhension, le manque de sens, la violence, et essayent de trouver en eux et dans la contemplation de la nature et des autres un certain réconfort, une forme de sagesse et d'acceptation qui, parfois, les sauvent (ha bah, c'est sûr, ça rigole pas tous les jours non plus).
Matsumoto traduit cela par des images d'insert (des trucs qui n'ont rien à voir avec la choucroute) durant les scènes d'actions ou de repos, qui crée un décalage poétique décrivant le décalage émotionnel des différents personnages.
Attention ! C'est du chinois du japon ! Ça se lit de droite à gauche !
À l'opposé de Moebius, ou, disons, comme Giraud avant qu'il ne découvre son côté Moebius, Matsumoto se sentait obligé de donner une justification à l'intrigue générale de ses bouquins (regarder des gars contempler des brins d'herbes en pensant à la mort pendant 1000 pages, c'est quand même un brin spécial). Il disait donc au lecteur « bon, ok, là, c'est un peu perché, mais, ensuite, il va taper des tas de gars, donc ne zapper pas cher téléspectateur ») (on appelle ça « la tactique BFMTV »). Une mobilisation du lecteur assez balourde qui se transformait souvent en compte à rebours relou et prévisible (un gars va tuer tous les membres d'une organisation un par un, battre tous les joueur de ping pong un par un, tuer les samouraïs du prince bidule un par un).
Bon, après, attention, je dis pas que c'est moche, hein... je dis que ça pourrait être ENCORE mieux.
ERREUR !
Nous avons vu avec Moebius que la meilleur solution, concernant le lecteur, c'est de l'envoyer chier et de tracer son chemin bille en tête sans en avoir rien à faire de rien (ni de personne) ! Il en est ainsi au pays des artistes ; ce sont souvent eux-mêmes qui se mettent des bâtons dans les roues, parce qu'ils n'ont pas assez confiance en eux. Des fois ça dure même toute leur vie. Mais, Tayou, lui, petit à petit, prenant conscience de son talent, s'est laissé aller, et a abandonné ces vielles stratégies scénaristiques moisies. Un jour, Tayou s'est dit « taïaut » (ne me remerciez pas, c'est tout naturel, moi aussi j'aime l'humour).
Dans
Comme du Houellebecq, mais en un peu moins optimiste.
(Comme de bien entendu, la situation décrite dans le bouquin est inspirée de ce qu'a vécu Matsumoto dans sa propre enfance et confère au récit une couleur fortement personnelle, une condition indispensable : exprimer ce que l'on a au fond de soi pour cristalliser un récit unique et échapper au bruit continu de la culture préexistante.)
Libérés de toutes entraves scénaristiques, les enfants qui évoluent dans ce centre semblent eux-mêmes évoluer en toute liberté. Pourtant, sans structure, leur environnement paraît fortement chaotique et déstabilisant.
Ce chaos et cette liberté apparaissent alors être les deux faces de la même pièce. L'un ne va pas sans l'autre. L'un génère l'autre, et inversement. Ainsi, lorsqu'on observe ces enfants perdus souffrir de l'incertitude dans laquelle les plongent leurs vies, on ne peut qu'envier la liberté que ce spleen semble paradoxalement leur donner.