Jérôme Anfré (aucun lien de parenté) nous montre qu'il a tout compris aux personnages mignons.
Il y a un dernier truc avec les schtroumpfs : ils sont tout petits.
Or, comment dessiner de tout petits lutins dans de si grandes pages ? C'est bien compliqué. Dans une certaine mesure, il faut garder la taille des personnages à une échelle raisonnable et proportionelle. Les petits personnages doivent rester petits dans la page, comme les grands personnages doivent rester grands dans la page, et les cochons seront bien gardés.
C'est pour ça que, dans Big Man, le grand homme en question apparaît dans un album plus grand que la moyenne dans des cases plus grandes que la moyenne.
Big Man (de David Mazzuchelli) (éditions Cornélius), il est big.
Avec des bigs cases, et un big format (23 par 32 centimètres).
C'est pour ça que, quand les schtroumpfs ont eu droit à leurs propres aventures, ils sont apparus dans des livrets plus petits que la moyenne, dans des cases plus petites que la moyenne.
(Les schtroumpfs ont connu leurs premières aventures dans des « mini-récits » à monter soi-même (il fallait détacher les feuilles centrale du journal de Spirou, plier et couper ces feuilles en 9, et ça formait un petit livre miniature.) (Aussi miniature que les schtroumpfs.)
(Les schtroumpfs ont connu leurs premières aventures dans des « mini-récits » à monter soi-même (il fallait détacher les feuilles centrale du journal de Spirou, plier et couper ces feuilles en 9, et ça formait un petit livre miniature.) (Aussi miniature que les schtroumpfs.)
Et c'est pour ça que, quand les schtroumpfs ont eu droit à leurs propres aventures en vrai dans le magazine Spirou (en grand A4 comme les grands), ils l'ont quand même fait dans des cases plus petites que la moyenne. Tout ça est resté ma fois très cohérent.
La version mini-récit, publiée en 59.
Et la version album, publiée en 63.
(Notez que je fais un effort notable de mise à l'échelle pour que vous vous rendiez compte des différentes tailles et que vous vous niquiez les yeux sur votre écran.) (Notez également qu'il y a 5 strips/bandes dans la page de 1963, au lieu des 4 habituelles dans les albums Dupuis de l'époque, tout ça pour faire de plus petites cases et de plus petits schtroumpfs.)
(Notez finalement que le livre dont nous allons parler aujourd'hui (Hans, de Jérôme Anfré, une personne que je ne fréquente que très rarement, finalement) est également un petit format (15 par 21 centimètres).
Bon. OK. Super. Mais maintenant qu'on se retrouve avec de petites cases, comment on les utilise ?
D'abord, en bande dessinée, l'espace d'une case, c'est du temps. Plus une case est petite, plus le temps y est bref. Donc, les schtroumfps évoluant dans des cases toutes riquiquis, et bien il se passe presque rien dans une case, un simple instant.
Premier avantage : si le temps dans une case est court, le temps entre chaque case peut être tout aussi court. On peut donc enchaîner les cases très rapprochées dans le temps, avec d'infimes variations entre elles, des variations qui ressortent d'autant mieux que les images se succèdent à grande fréquence.
On se surprend donc à scruter, à mieux regarder chaque dessin, pour discerner les infimes variations de celui-ci. On devient plus attentif, on le décode mieux, on le comprend mieux. Et avec le dessin, le personnage que décrit ce dessin. On arrive à décrypter la moindre de ses mines, le moindre de ses gestes. On le connaît mieux, on s'en rapproche, on le comprend, comme un ami.
Deuxième avantage : si le temps dans une case est court, le temps entre les cases peut être long.
On passe ainsi d'une scène aquatique à une scène forestière, pouf, en un battement de case.
Quel talent ce Jérôme Anfré (je suis sûr que sa famille est très fière de lui) !
Ce qui revient à dire qu'on fait ce qu'on veut.
Un coup on enchaîne des tas de cases rapides pour décrire le comportement d'un personnage, histoire d'accrocher le lecteur au personnage. Un autre coup, on fout de grandes ellipses entre deux cases, histoire d'accélérer le récit et d'enchaîner les situations différentes. (Du coup, les situations ne sont pas répétitives, le lecteur n'a pas le temps de s'habituer à un type de récit qu'on est déjà passé à un autre).
Or, le récit, ce sont les actions du personnage. Ce sont donc les actions du personnages qui deviennent inattendues, difficilement anticipables. C'est donc le personnage qui devient plus profond, mystérieux, insondable (inattendu, quoi, je vais pas le répéter 36 fois). C'est donc le personnage qui parait plus vrai, devient plus réaliste, plus réel. (La différence entre la fiction et le réel se joue là : la fiction, on comprends souvent où elle va ; le réel, on n'y comprend rien, et on ne sait pas du tout où on va ni comment) (C'était ma petite pause : « leçon de vie ».) (Du coup, quand un récit est difficilement décodable, difficilement anticipable, il dégage une plus forte impression de réalité).
Bref : quand très peu de temps se passe entre chaque case, on s'attache au personnage, quand beaucoup de temps se passe entre chaque case, on a l'impression que ce personnage vie des tas d'aventure différentes. Quand on alterne les temps entre case, le personnage nous parait non seulement attachant et aventurier, mais en plus presque réel.
Et c'est sans compter que ce personnage est petit !
Parce que, qui dit petit dit mignon ! (Enfin, plutôt, qui dit petit, dit touchant.)
Là, arrive la dernière subtilité d'un récit avec des petits, c'est qu'avec des petits, il faut qu'il y ait des grands, sinon ça n'a strictement aucun intérêt.
Le petit, face au grand, se sent menacé (un peu comme moi face à Teddy Riner). Le petit, face au grand, se sent impuissant (un peu comme moi face à the Rock). Le petit, face au grand, se sent dépassé (un peu comme moi face à la vie) (c'est beau, ce que je dis, j'espère que vous prenez des notes).
Le petit se sent aussi peu sûr de lui que nous face au grand et vaste monde qui nous entoure. C'est juste qu'il est encore plus petit, donc, a priori, encore plus menacé (il peut être menacé par un écureuil, alors que moi, franchement, je veux pas me vanter, mais les écureuils ne me font pas peur).
Mais son combat est le même que le nôtre : lutter pour se trouver une place dans ce monde. Et ses victoires sont aussi dérisoires que les nôtres : réussir à cueillir une mûre / réussir à chopper la dernière barquette de six portions de boursin du supermarché, parce que 12, ça fait trop, et ça va périmer dans le frigo, et que le tartare, c'est dégueulasse.
Bref, l'empathie marche à fond. Non seulement on arrive à décrypter et comprendre les moindres mimiques du personnage grâce au découpage de la bande dessinée, mais on comprend également sa situation, simplement parce qu'il est tout petit (et que nous aussi).
Mieux encore, on s'identifie aux luttes, aux aspirations, à la vie de ce personnage qui sont les nôtres (de luttes et d'aspirations) (faut suivre). (Bah comment ça « c'est écrit avec les pieds ton truc » ? C'est pas une excuse.)
On s'identifie à ce personnage, donc. Et ses mimiques, toutes ses expressions que nous avons appris à connaître et à interpréter nous deviennent encore plus familières. Puisqu'il ressent en fait les mêmes sentiments que nous faces aux mêmes situations que nous. (C'est pas un oiseau qui nous pique une mûre, c'est un connard à gourmette et tatouage de foot qui nous pique la dernière barquette six portion de boursin, mais bon, c'est pareil, franchement. On comprend complètement ce petit personnage.)
Le lien d'empathie est renforcé et nous vivons parfaitement les pensées du petit personnage puisque ce sont en fait des souvenirs de nos propres pensées lorsque nous avons été confronté à une situation similaire à la sienne.
Finalement, lorsque le petit personnage est confronté à la vanité de ses actions (escalader un arbre ça va, on sait faire) (enfin, presque) (en tout cas, ça nous fait pas peur) (enfin, presque) ou à la futilité de ses désirs (se battre pour une mûre, franchement) (est-ce qu'on se bat au bureau pour savoir qui doit recharger l'eau de la cafetière, nous ?), c'est nous qui sommes confrontés à nos propres vanités. À nos propres sentiments de futilités tels que nous les avons ressentis dans nos propres vies.
Et, au final, c'est le plus petit des personnages de la forêt qui nous renvoie le plus grand des miroirs métaphysiques de notre condition.
Dans une petite case, on n'a que le temps de crier (c'est d'autant plus poignant).
Chaque case dure un instant (un instant du saut), et le temps très court utilisé par Jérôme Anfré (écoutez, ça m'étonnerait que je fasse du copinage, j'ai une éthique, je donne au téléthon) entre chaque case permet de découper ce saut.
Quand on connait tout de la bouille de quelqu'un à son réveil,
c'est que c'est soit un ami, soit un membre de la famille.
L'empathie fonctionne à fond les bananes.c'est que c'est soit un ami, soit un membre de la famille.
Deuxième avantage : si le temps dans une case est court, le temps entre les cases peut être long.
On passe ainsi d'une scène aquatique à une scène forestière, pouf, en un battement de case.
Quel talent ce Jérôme Anfré (je suis sûr que sa famille est très fière de lui) !
Un coup on enchaîne des tas de cases rapides pour décrire le comportement d'un personnage, histoire d'accrocher le lecteur au personnage. Un autre coup, on fout de grandes ellipses entre deux cases, histoire d'accélérer le récit et d'enchaîner les situations différentes. (Du coup, les situations ne sont pas répétitives, le lecteur n'a pas le temps de s'habituer à un type de récit qu'on est déjà passé à un autre).
Jérôme Anfré (écoutez, je nirai toute relation antérieure avec cette personne, de toute manière) peut ainsi enchaîner une séquence très découpée, et courte avec une ellipse d'une nuit, avec une action-surprise, pour finir sur une case « instant figé ».
Toutes ces ruptures de ton, ces accélérations et décélérations, permettent de rendre l'action toujours inattendue et vive.
Bref : quand très peu de temps se passe entre chaque case, on s'attache au personnage, quand beaucoup de temps se passe entre chaque case, on a l'impression que ce personnage vie des tas d'aventure différentes. Quand on alterne les temps entre case, le personnage nous parait non seulement attachant et aventurier, mais en plus presque réel.
Et c'est sans compter que ce personnage est petit !
Parce que, qui dit petit dit mignon ! (Enfin, plutôt, qui dit petit, dit touchant.)
Tout aussi mignon qu'une vidéo de chaton mignon qui fait une sièste.
Là, arrive la dernière subtilité d'un récit avec des petits, c'est qu'avec des petits, il faut qu'il y ait des grands, sinon ça n'a strictement aucun intérêt.
Même Gargamel, quand il devient petit, devient inoffenssif et touchant. C'est dire !
Le petit se sent aussi peu sûr de lui que nous face au grand et vaste monde qui nous entoure. C'est juste qu'il est encore plus petit, donc, a priori, encore plus menacé (il peut être menacé par un écureuil, alors que moi, franchement, je veux pas me vanter, mais les écureuils ne me font pas peur).
Mais son combat est le même que le nôtre : lutter pour se trouver une place dans ce monde. Et ses victoires sont aussi dérisoires que les nôtres : réussir à cueillir une mûre / réussir à chopper la dernière barquette de six portions de boursin du supermarché, parce que 12, ça fait trop, et ça va périmer dans le frigo, et que le tartare, c'est dégueulasse.
Fight da powa !
(ou, en VF : Résiiiiiste prouve que tu exiiiiistes !)
Bref, l'empathie marche à fond. Non seulement on arrive à décrypter et comprendre les moindres mimiques du personnage grâce au découpage de la bande dessinée, mais on comprend également sa situation, simplement parce qu'il est tout petit (et que nous aussi).
Mieux encore, on s'identifie aux luttes, aux aspirations, à la vie de ce personnage qui sont les nôtres (de luttes et d'aspirations) (faut suivre). (Bah comment ça « c'est écrit avec les pieds ton truc » ? C'est pas une excuse.)
On s'identifie à ce personnage, donc. Et ses mimiques, toutes ses expressions que nous avons appris à connaître et à interpréter nous deviennent encore plus familières. Puisqu'il ressent en fait les mêmes sentiments que nous faces aux mêmes situations que nous. (C'est pas un oiseau qui nous pique une mûre, c'est un connard à gourmette et tatouage de foot qui nous pique la dernière barquette six portion de boursin, mais bon, c'est pareil, franchement. On comprend complètement ce petit personnage.)
Fight da condition humaine !
Le lien d'empathie est renforcé et nous vivons parfaitement les pensées du petit personnage puisque ce sont en fait des souvenirs de nos propres pensées lorsque nous avons été confronté à une situation similaire à la sienne.
Finalement, lorsque le petit personnage est confronté à la vanité de ses actions (escalader un arbre ça va, on sait faire) (enfin, presque) (en tout cas, ça nous fait pas peur) (enfin, presque) ou à la futilité de ses désirs (se battre pour une mûre, franchement) (est-ce qu'on se bat au bureau pour savoir qui doit recharger l'eau de la cafetière, nous ?), c'est nous qui sommes confrontés à nos propres vanités. À nos propres sentiments de futilités tels que nous les avons ressentis dans nos propres vies.
Et, au final, c'est le plus petit des personnages de la forêt qui nous renvoie le plus grand des miroirs métaphysiques de notre condition.