Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


mercredi 30 avril 2014

La bande dessinée joue avec ses personnages.

Aujourd'hui, en m'inspirant de certaines règles issus des jeux (vidéos et de société), je vais essayer de comprendre comment xxxxxxxxxxxxxxcensuréxxxxxxxxxxxxxx n'a pas réussi à rendre ses personnages intéressants.


xxxxxxxxxxCensuré aussi, hé, pas con, le mec...xxxxxxxxxx

Il m'arrive de lire des bandes dessinées qui ont des éléments de départ séduisants (à commencer par des auteurs avec des cerveaux) mais qui sont, en fait, dans leurs développements, aussi tartes, ennuyeuses, longues, et tristes qu'un discours de Kim Jong-Un le jour de la mort de Mandela (en plus, il pleuvait).

APRÈS UNE PHRASE PAREILLE, VOUS VOUDRIEZ QUE JE DONNE LE NOM DE L'AUTEUR ? UN PEU DE CHARITÉ HUMAINE POUR CE PAUVRE VIEUX, NOM D'UN CHIEN !

Selon moi, si un récit, malgré ses données de bases favorables, ne décolle pas, c'est souvent parce que les personnages et le récit nous semblent être un prétexte.
  • Soit qu'ils servent de vecteur à la découverte d'un univers (« nan mais je vais trop les sécher avec mes visions, chuis un ouf, ma parole, trop je me kiffe ») 
  • Soit qu'ils servent à expliquer un propos (« j'ai besoin de faire passer un message de gauche / de droite / philosophique / personne n'a parlé avant moi de la nécessité de s'aimer les uns les autres / le monde a besoin de savoir »).
  • Soit que les personnages sont contraints de faire ci ou ça par une logique externe de scénario sans que cela soit justifié par leurs personnalités, leurs qualités, leurs défauts, leurs passés, etc. Pourquoi s'intéresser à des personnages ou à univers dont les caractéristiques sont balayées par le chapitre 3 du scénario pour les nuls

Dans tous ces cas, ce que le lecteur attend et n'arrive pas à trouver, c'est d'être surpris par le destin incertain des personnages. Que ceux-ci ne soient pas contraints, encore et encore, par une volonté de scénariste qui les ramènerait sans arrêt en arrière.

« Je connais cette impression... » 
« C'est un peu désappointant... »

OUI MAIS BON MAIS D'ACCORD, MAIS COMMENT FAIRE, ALORS ?

Il faut s'inspirer de différentes théories des jeux.

DE QUOI ?

Merci, Dorian.

Comme le dit le monsieur ci-dessus, pour générer de l'incertitude dans les jeux, il faut que les différents participants puissent avoir des stratégies (complètement ou juste un peu) :
  • Équilibrées (avoir un nombre acceptable de stratégies viables).
  • Justes (les mêmes chances de victoires pour tous).
  • Symétriques (les mêmes choix possibles au départ).

Si, au cours d'un jeu, on se rend compte que la partie est asymétrique (l'autre participant à le droit de jouer 15 coups avant que vous puissiez en jouer 1) et/ou injuste (nous, on peut donner des coups de poings ; l'autre, il peut faire exploser des planètes ; merci bien) et/ou déséquilibrée (nos coups de poings, ça lui fait rien du tout) ; alors on aura envie de tester notre super pouvoir de balançage de manette à travers la fenêtre, histoire de prouver à tout le monde que, si, on peut un tant soit peu influer sur le jeu.


Donner un gros point faible au géant de pierre pour qu'on puisse le vaincre, ce n'est pas une facilité de gameplay, non, 
c'est le ré-équilibrage de personnages dissymétriques, nuance (c'est très technique).

Si, par contre, le jeu est bien réfléchi, ces équilibres, justices, et symétries permettront de générer de l'aléatoire : 
  1. Un participant met en place une stratégie.
  2. Comme le jeu est symétrique, le second participant est en mesure de mettre en place une contre-stratégie.
  3. Comme le jeu est équilibré, le premier participant peut définir une contre-contre-stratégie.
  4. Comme le jeu est juste, le second participant peu contrer la contre-contre-stratégie avec une contre-contre-contre-stratégie.
  5. Etc...

Au final, les deux participants pouvant se stratégiser et se contre-stratégiser la face à longueur de temps, on ne sait plus quel va être le prochain coup de l'adversaire. Est-ce qu'il va faire sa stratégie de base ou directement sa contre-contre-stratégie pour anticiper la contre-stratégie de son adversaire ? Mystère, boule de gomme, et suspense à la réglisse.




Bastien Vivès, Michaël Sanlaville, Balak, Lastman, Casterman.

Le combat est trop déséquilibré (le méga-coup-de-poing-dans-la-tronche n'a pas de contre-stratégie viable), 
du coup, la règle limite la stratégie du héros pour rendre le combat plus intéressant.

Ces différentes règles permettent alors de simuler un état de liberté (très restreint, entre quelques stratégies seulement) (essayez de fuir un combat de street fighter plutôt que d'y participer : impossible) (alors que, moi, c'est la première idée qui me viendrait face à Blanka) (ou Vega) (ou Gouken) (ou ma petite cousine). Cet état simulé de liberté génère de l'inattendu et de la surprise. (Qui va gagner ? Et comment ?)

PARLONS UN PEU CONSTRUCTION DE PERSONNAGES.

Le but d'un scénariste, quand il prend la position du penseur de Rodin en regardant vers l'horizon (ou un poster de chamois dans sa chambre, c'est pareil) avec la lumière tamisée comme sur les photos d'Humphrey Bogart (un T-shirt sale sur la lampe de chevet fera l'affaire), le but du scénariste quand il approfondit ses personnages est de leur définir des personnalités telles qu'il est crédible qu'ils soient capables de mettre en branle différentes stratégies viables.

ÉTAT SIMULÉ DE LIBERTÉ.

Si tous les personnages d'un récit peuvent avoir des stratégies / des vies / des destins équilibrés, justes, et symétriques, le lecteur sera dans l'impossibilité d'anticiper « le prochain coup » de chaque personnage (puisqu'ils pourront chacun jouer plusieurs coups différents, cohérents, valables, et intéressants pour eux).

Le lecteur aura l'impression que les personnages sont libres de leurs mouvements (ce qui les rend plus réalistes et renforce l'empathie) et anticipera moins la suite de l'histoire (ce qui la rend plus intéressante).


Alan Moore, Dave Gibbons, John Higgins, Watchmen, DC Comics & Delcourt (traduction de Jean-Patrick Manchette).

Un exemple de déséquilibre patent entre les stratégies et les vies de deux personnages, ce qui nous donne l'impression que l'un des deux est comme prisonnier de son destin (et c'est bien ce qui est voulu).

(P.S. Je reviendrai sur tout le bazar concernant Watchmen pas plus tard que dans trois posts.) (Teasing.)

Dans un jeu, on donne tel pouvoir à tel personnage pour qu'il puisse tataner la gueule à tout ce qui bouge et se confronter à d'autres personnages.

Dans un récit, c'est pareil. Le Walter White de Breaking Bad (Vince Gilligan) sera un chimiste de génie, ce qui lui offrira la stratégie viable « devenir baron de la drogue ». Le Aliocha des frères Karamazov (Fiodor Dostoïevski) sera bon, ce qui lui offrira la stratégie viable « tout encaisser et sauver ma famille ».

Ces personnages sont d'autant plus intéressants quand d'autres caractéristiques viennent renforcer ou nuancer (et en tout cas crédibiliser) les fameuses stratégies.

L'ego et la frustration de Walter White seront des traits de caractères négatifs qui lui permettront de renforcer ses capacités à franchir les différents obstacles / méchants latinos et atteindre son but. La foi et la liberté d'Aliocha l'aident dans sa quête de rédemption familiale. (Et ce n'est pas un hasard si ces personnages extrêmement complexes naissent dans des récits (Watchmen inclus) s’interrogeant justement sur l'existence et la valeur de la liberté individuelle.)



Katsuhiro Otomo, Akira, Kondansha & Glénat (traduction de Sylvain Chollet, adaptation de Digibox).

Frustration et gros ego font souvent bon ménage pour faire péter les plombs à un personnage. (Ici, le tempérament soupe-au-lait de Tetsuo va lui jouer des tours mais permettre de développer à nouveau des questions autour de la liberté individuelle.)

MAIS, D'AILLEURS, ON PARLE SOUVENT DE PERSONNAGES TELLEMENT LIBRES QU'ILS ÉCHAPPENT A LEURS CRÉATEURS, NON ?

Ne soyez pas naïf et arrêtez de croire ce que disent les auteurs dans les dîners pour se la jouer (il faut toujours traduire « c'était dingue, l'encre glissait entre mes doigts, j'avais l'impression que mes personnages écrivaient à ma place », par « j'en ai chié des nuits et des nuits, à pas dormir, à trop fumer, à me péter le dos sur ma chaise Ikéa, mais, bon, au final, j'espère que ça a pas l'air trop tarte ») (quand vous entrez dans la confrérie des auteurs, un jour, un petit nain habillé en rouge sonne à votre porte et commence à vous expliquer toutes les phrases types qu'il faut balancer en interview pour continuer à faire vivre le mythe).

EN FAIT.

Si un personnage est construit de manière complexe, il peut arriver, au cours de l'écriture de l'histoire, qu'il soit plus logique, plus cohérent avec ses motivations et ses capacités, qu'il fasse ceci au lieu de cela. Une action qui n'avait pas été envisagée au départ de l'écriture parce que le scénariste n'avait pas encore assez bien défini son personnage. Une action qui est ensuite dictée par la logique générale du récit une fois tous ses constituants bien définis.

C'est tout.

Le saviez-vous, au départ, Akira devait être une série de moto.

Et puis, une chose en entraînant une autre...

Ça a un peu changé d'ambiance.

ET LA, C'EST LE DRAME.

Si l'auteur a une certaine idée du développement de l'intrigue (tourner à droite), mais qu'il est plus cohérent pour le personnage de s'opposer à ce développement (le personnage est communiste, hémiplégique, gaucher, et le chemin de droite est barré par trois loups), arrive le point de non-retour : suivre la logique de son récit et de son personnage ou aller à l'encontre de tout ça et se dire « je fais bien ce que je veux, c'est moi le chef, après tout ».

NOUS ESSAYERONS DE VOIR QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE CE CHOIX LA SEMAINE PROCHAINE.

jeudi 10 avril 2014

La bande dessinée étale ses créatures.

Alan Moore et Steve Bissette nous montrent que, la culture « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir [qui servent à constituer] une collectivité particulière », trouve nécessairement des applications politiques.

Alan Moore et Steve Bissette, Swamp Thing - Volume 2 - n°48, DC comics.

UN PEU D'ESPOIR DANS UN MONDE DE CROTTE.

La culture, ça sert à tout. C'est juste une manière de se comprendre entre soi.

Il suffit que je dise « Steevy Boulay » pour que s'imprime la même image horrible de garçon idiot au sourire vide dans l'esprit de chaque lecteur qui passera malheureusement par ici.

Bon, bin, ça, désolé, mais c'est de la culture. Une base de données commune.

Heureusement, la culture ne sert pas uniquement à cela et peut essayer d'élever les individus en les constituant en une communauté consciente. (J'écrivais les discours de Mitterrand, à l'époque.)

FIGHT THE POWER.

Voilà ce que je peux voir tous les matins en partant au travail (le coeur léger et plein d'espoir, ça va de soi) :


Cette photographie nous donne de multiples informations :
  • J'habite dans un endroit champêtre et gai.
  • L'homme qui a écrit ces mots s'est plus ou moins inspiré de deux livres :
 

  • Il était par contre moins familiarisé avec celui-ci :

UN PETIT COURS D'HISTOIRE POUR VOUS PARLER DE V POUR VENDETTA.

Il était une fois Margaret Thatcher, qui n'aimait personne, surtout si cette personne était de gauche, mineur de fond ou irlandais. (Mais qui aime les irlandais ?) (Ils sont roux.)

Ça fait effectivement un peu peur.

Dans le climat de pauvreté et de dégénérescence sociale généralisée de la Grande Bretagne thatchérienne du début des années 80, les artistes, outre d'avoir des comptes bancaires plus endettés que la Grèce et l'Espagne réunis, ne se sentent pas vraiment à leur place.

Dans ces conditions, ils vont tous avoir tendance à se serrer les coudes, et en tout cas à s'épauler les uns les autres.

Bref, là encore et comme d'habitude, il vont former « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».

Une communauté décrite dans les bouquins autobiographiques de Eddie Campbell, 
un auteur plus connu pour avoir dessiné en partie From Hell, sur scénario d'Alan Moore.

ALAN MOORE JUSTEMENT.

Le sous texte de From Hell était la description politique du sous-prolétariat vivant en marge de Londres, de son exploitation par la bourgeoisie, et du mépris de cette même bourgeoisie pour les castes inférieures. Un mépris qui ira jusqu'à tolérer les meurtres de Jack l'éventreur, puisqu'il ne tuera que des prostituées, méprisées parmi les méprisés.

Un œuvre qu'Alan Moore entreprend juste au moment où Margaret Thatcher rend son tablier, il n'y a pas de hasards et le parallèle entre les deux époques est patent.


La violence faite aux femmes est une des obsession de Alan Moore (chose qui a pu lui être reproché) 
et on peut dire que dans From Hell, il n'y va pas avec le dos de la cuillère.

ALAN MOORE ENCORE. 

Tout au long des années 80, Alan Moore construira ainsi des œuvres en réaction au thatchérisme, politiques, engagées, et dénonçant la misère et l'abandon dans lesquelles sont laissés les plus faibles de la société britannique. 

A ma connaissance, Alan Moore fut le premier à tenter ce genre de propos dans le mainstream (la scène indé, limite fanzinat, étant, elle, bourrée de dénonciations bien plus virulentes), tout simplement parce qu'Alan Moore fut le premier de la communauté formée par lui et ses amis à réussir à être publié en mainstream. (Bien d'autres suivront, et Alan Moore n'était que le premier de ce que l'on baptisera bientôt la british invasion qui va déferler sur les comics américains, et qui se maintient encore aujourd'hui avec une belle santé.)

Les généraux de la british invasion : Warren Ellis, Grant Morrison, Alan Moore, Neil Gaiman, et Garth Ennis (par J.L. De Vine).

ALAN MOORE TOUJOURS.

Au sein de l'oeuvre Alan Moorienne, on peut pointer John Constantine. 

Personnage secondaire apparu dans Swamp Thing en 1982, il prend ensuite son indépendance et va être utilisé par tout un tas d'auteurs britanniques pour tuer des tas de démons de partout, certes, mais également tendre un miroir à la société britannique de l'époque (Constantine est né à Liverpool, il a fait parti d'un groupe de punk, il fume comme pas deux, boit comme quatre), ainsi que présenter et défendre les victimes du thatchérisme (et plus tard du libéralisme généralisé) (ce qui permettra à Constantine d'aller un certain temps aux États-Unis).

Trucs chelous et réalisme social dans Swamp Thing (toujours de Alan Moore et Steve Bissette).

Mais alors, quand je dis qu'il va être utilisé par tout un tas d'auteurs britanniques, il y en a vraiment tout un tas ! Et qui se retrouveront les uns les autres sur d'autres projets.

Vous la voyez, la communauté ?

ALAN MOORE FOR EVER.

Pour nous permettre de boucler la boucle, Alan Moore a aussi écrit le scénario de V pour Vendetta (on y arrive, c'est pas trop tôt), dessiné par David Lloyd et un peu aussi par Tony Weare. Une bande dessinée décrivant le parcours d'un résistant à une société britannique totalitaire menant des épurations ethniques, politiques, sociales, et morales (comme ça on est sûr de rater personne).

SUIVEZ BIEN LE CHEMINEMENT :

1605 : Guy Fawkes.
Un rebelle au trône d’Angleterre. 
(Qui voulait renverser le roi protestant pour installer une reine catholique mais, bon, on va pas commencer à chipoter.)

 1982-89 : V.
Un personnage portant le masque de Guy Fawkes défie le pouvoir fasciste de la Grande Bretagne en faisant tout péter.

2006 : Natalie Portman.
La bande dessinée est adaptée en film et le seul intérêt de celui-ci se situe à gauche de la photographie.

2006 : Time Warner Inc.
Profite de la sortie du film pour fabriquer en masse le masque de Guy Fawkes.

2008 : Anonymous se trouve un visage.
Pour éviter les représailles lors de manifestations anti-scientologie, certains anonymous se masquent avec le visage de Guy Fawkes, retrouvant dans leurs combats et leurs situations économico-sociales des similitudes avec celles décrites et dénoncées par Alan Moore et David Lloyd 20 ans plus tôt.


2011 : Pour en finir avec le cinéma.
Blutch, dans un aimable effort pour me donner une conclusion pourrie, dessine cette image qui me permet de tout boucler.

TOUT ÇA POUR DIRE QUOI ? PARCE QUE C'EST ASSEZ FLOU.

Nous avions commencé par nous intéresser à un ensemble de personnes portées par les mêmes idées et idéaux artistiques qui, pour ne pas se faire emporter par la vague du libéralisme naissant, se sont constitués en un cercle d'amis et de connaissances et ont formalisé leur résistance au-travers de différentes oeuvres artistiques. L'une de ces oeuvres, au hasard des adaptations cinématographiques pourries, a irrigué l'ensemble de la société pour retrouver de vifs échos auprès de nouvelles personnes, isolées et munies d'une envie ou d'un besoin d'opposition au système économique libéral (et à tout un tas d'autres trucs en passant).

PUNAISE, C'EST CLASSE.

A travers le temps, il s'est formée une idée commune de résistance à certaines politiques qui a dépassé le terreau artistique de base, a essaimé dans toute la société, et a fini par rassembler des personnes de pays et d'horizons très différents qui se reconnaissaient dans « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».

Comme je disais au presque début de ces notes :

C'est comme ça que se manifeste cette fameuse culture. Par un socle commun artistique que les différents auteurs acteurs d'une même époque connaissent et reconnaissent ; qui les influencent et qu'ils enrichissent.

Une culture qui, ici, prend sa source dans la bande dessinée.



POUR FINIR, UN PETIT MESSAGE A CARACTÈRE INFORMATIF.


A CHAQUE FOIS QUE VOUS VOTEZ POUR UNE POLITIQUE LIBÉRALE, C'EST NATALIE PORTMAN QUE VOUS MALTRAITEZ.

ALORS NE FAITES PAS ÇA, NOM D'UN CHIEN ! QU'EST-CE QUI VOUS PREND ?



jeudi 3 avril 2014

La bande dessinée étale sa confiture.

Blutch nous montre que Christophe Blain n'est pas seul sur le coup quand il s'agit de pomper des vieux morts qui ne demandaient rien.

Blutch et Isabelle Merlet, Lune l'envers, Dargaud.

Nous en étions donc resté la semaine dernière au fait que Gus Bofa a influencé tout un tas d'auteurs de la bande dessinée actuelle, dont Christophe Blain, et des tas de copains de Christophe Blain estampillés nouvelle bande dessinée française au lait de soja sans sucre raffiné.

ALORS, ATTENTION !


Comme le souligne l'auteur des deux livres Bofa et Le salon de l'araignée, il ne faut pas voir un lien direct entre les deux groupes qui aurait miraculeusement franchi l'espace et le temps. Non. Entre Bofa et Blain, il y a des intermédiaires.

Par exemple : Tardi (lui même influence de la plupart des auteurs de la nouvelle bande dessinée au bon goût de ricoré). Bofa avait fait la guerre. Tardi s’intéressait à la guerre. Tardi s'est donc logiquement intéressé à Bofa.








C'était la guerre des tranchées de Tardi et Les poissons morts de Pierre Mac Orlan et Gus Bofa.

MALGRÉ TOUT.

Une fois Bofa redécouvert par le club de la Nouvelle Bande Dessinée Française de qualité enrichie en oligo-éléments, celle-ci y a trouvé un intérêt très fort, qui l'a poussée à décortiquer le style, les motivations, les tenants et les aboutissants afin de comprendre et d'apprendre les manières artistiques « de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées » ce qui a alors naturellement constitué « ces personnes en une collectivité particulière et distincte » qui est venu s'accoler à celle du Salon de l'araignée.

Et donc, par exemple, au hasard, dans se groupe, il y a Blutch.

TOUS UNIS DANS L'AMOUR DE LA FEMME NUE !

Gus Bofa, Libido - Notes d'érotisme diffus.

Blutch, La beauté.

ET QUAND JE DIS « TOUS », C'EST « TOUS » !

Bofa, donc...

... Et Chas Laborde, un ami contemporain de Bofa.

Toujours Bofa...

... Et Jean Veber, un prédécesseur de Bofa cette fois-ci, 
travaillant aussi sur le mystère féminin, apparemment...

Et le mystère féminin, c'est un peu sa passion, à Blutch...

Des fois un peu trop, même...

M'enfin, il n'est apparemment pas le seul...

Et, finalement, ça permet de boucler la boucle...

CE N'EST BIEN SÛR PAS LE SEUL THÈME COMMUN QUE L'ON PEUT DÉCELER ENTRE LES DEUX ARTISTES QUI SE SONT AUSSI, PAR EXEMPLE, INTÉRESSÉS AUX AMBIANCES POURRIES.

Un dessin original de Blutch, je dis merci à l'internet.

Gus Bofa, Malaises.

OU AU MYSTÈRE MYSTÉRIEUX...

Blutch, Mitchum n°3

Gus Bofa dans je sais pas quoi, tout le monde peut avoir un instant de faiblesse...

SANS COMPTER QUE, BIEN SÛR, CARAN D'ACHE N'EST PAS EN RESTE.

Le gros crétin Blotch, de Blutch (à ne pas confondre avec Bleach).

L'âme de gauche de Gus Bofa.

Et l'humour pourri de Caran d'Ache.

(Dites donc, les gars, c'est quoi ces clichés sur les gros, hein ? C'est pas joli-joli.)

D'AILLEURS, EN PARLANT D'HUMOUR POURRI, JE ME SUIS TOUJOURS DEMANDE SI PAR HASARD...

 
A ma gauche, Blotch, à ma droite, Caran d'Ache. Le choc sera terrible.
Humour pourri, anti-dreyfusisme, connerie ambiante, poses de stars, regard vide... 
A part le talent de dessinateur, je ne vois pas beaucoup de différences entre les deux...

MAIS BREF, PASSONS...

CE SERAIT UN PEUT TROP SIMPLE DE NE VOIR DANS CES GENS QUE DES ARTISTES CONSANGUINS QUI SE POMPENT LES UNS LES AUTRES A QUI MIEUX MIEUX...

On entre dans le côté compliqué des personnes partageant une culture commune...

Est-ce que :
  1. Blutch lit des bouquins.
  2. Il tombe sur Bofa.
  3. Il trouve ça super.
  4. Il se dit : « hé bin c'est pas compliqué, j'ai qu'à faire pareil ; j'ai qu'à dessiner des femmes nues ».
Ou est-ce que :
  1. Blutch s'intéresse à la femme nue.
  2. Il tombe sur Bofa.
  3. Il trouve ça super, sa manière de représenter la femme nue.
  4. Il se dit : « hé bin c'est pas compliqué, j'ai qu'à faire pareil quand je dessine des femmes nues ».
Ou encore est-ce que :
  1. Blutch s'intéresse à la femme nue.
  2. Il trouve des solutions graphiques pour représenter la femme nue comme il aime bien.
  3. Il tombe sur Bofa.
  4. Il se dit : « hé bin dis donc, il a trouvé les mêmes solutions que moi, il doit réfléchir comme moi, voyons ce que je peux lui piquer sur d'autres sujets ».
Ou, finalement, est-ce que :
  1. Blutch s'intéresse à la femme nue.
  2. Il trouve des solutions graphiques pour représenter la femme nue comme il aime bien.
  3. Il trouve des solutions graphiques pour représenter d'autres trucs qu'il aime bien.
  4. Il tombe sur Bofa.
  5. Il se dit  : « hé bin ce mec ne me sert à rien, je sais déjà faire tout ce qu'il sait faire ».

Et, en fait, ce sont en général toutes ces mécaniques qui rentrent en jeu en même temps.

Des fois, un auteur précède ses influences sur certains points techniques, des fois il s'en inspire, des fois il s'en écarte. C'est souple.

Parfois, un auteur en vient à s'intéresser à un de ces prédécesseur parce qu'il a remarqué que tous deux s'intéressent aux mêmes techniques graphiques et qu'il cherche de nouveaux thèmes. Parfois, c'est l'inverse.

Il est très difficile dans ces cas d'identifier qui fait la poule et qui fait l’œuf. Est-ce qu'on vient à tel dessin par tel sujet, ou à tel sujet par tel dessin ? Est-ce qu'on vient à tel auteur par tel sujet ou à tel sujet par tel auteur ? Est-ce qu'on vient à tel dessin par tel auteur ou à tel auteur par tel dessin ?

C'est très compliqué.

PAR EXEMPLE, TOUT LE MONDE SEMBLE S’INTÉRESSER AU DÉFI GRAPHIQUE DU MOUVEMENT.

ET QUI DIT MOUVEMENT DIT DANSE.

Quand Blain arrive à fusionner danse et femme nue, là, on atteint un peu une acmé de quelque chose.

Blutch, dans un moment de faiblesse, rhabillera sa danseuse.

Comme Bofa, d'ailleurs, allez savoir pourquoi.

Une recherche de plus de classicisme, je suppose...

Oh ! Un petit nouveau ! (Parce que Bastien Vivès fait parti des gens influencé par les gens influencés par Gus Bofa.)
(La post nouvelle bande dessinée.) ('Faut suivre.)

Ce qui lui permet, lui aussi, de conjuguer fascination pour les jeunes filles en fleur et pour le mouvement (c'est malin).

Ah bin voilà ! Blutch recommence à déshabiller tout le monde.
Je savais bien que ce n'était qu'un coup de moins bien passager.

UNE DANSE QUI PEUT DEVENIR UN COMBAT.

Un combat de femmes nues, hein, faut pas perdre les bonnes habitudes.

Un combat qui devient un spectacle.

Ouhlà ! Un combat qui devient un spectacle un peu sale, quand même.

Un spectacle qui... Euh... Hum... (Jean Veber était du genre torturé.)

UN COMBAT QUI PEUT DEVENIR UNE DANSE.

Blain revient à des choses un peu plus convenable quand il s'agit de dessiner pour les 7 à 77 ans.

Avec toujours cet humour truculent qui caractérise Caran d'Ache (7 à 77 ans, on vous dit).

Et quel combat plus noble que celui du noble art ? Surtout dessiné par Bofa.

Ou par Dunoyer de Segonzac (un copain de Bofa).

Blutch, A quatre poing, Lapin n°18.

Ou le free fight dessiné par Bastien Vivès, Michaël Sanlaville et Balak dans Lastman. Oui, aussi.

Lastman, dans lequel chorégraphies façon danseur du bolchoï et coup de poing de brute font bon ménage.

BREF : TOUT LE MONDE EST COPAING.

Il y a donc plus, dans les jeux d'influence qu'un simple « c'est pas mal ce qu'il fait, je vais lui piquer ».

Il y a, en fait, un sorte de communion d'esprit.

L'important est que Blutch sait qu'il peut trouver un compagnon en Bofa, qui s'intéresse aux mêmes sujets que lui, cherche des solutions graphiques dans les mêmes sens que lui, pourra l'aider, ou l'inspirer, ou le faire réfléchir. Il a trouvé en Bofa « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées » qui se rapproche des siennes et qui, de fait, constitue « ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».

Plus qu'un lien de succession entre deux formes artistiques, il faut y voir une progression en parallèle, en bon compagnonnage. Un groupe homogène s'appuyant les uns sur les autres à travers le temps.

Finalement, chez tous ces gens, la culture se manifeste des deux manières évoquées au début de tout ce pataquès en formant bien « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, » (sans qu'on sache bien dans quel sens cela marche) « servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».


BREF, GUS BOFA NOUS FAIT UNE PETITE SYNTHÈSE...

Et bim !

LA SEMAINE PROCHAINE, UN NOUVEL EXEMPLE DE CULTURE QUI, CETTE FOIS-CI, DÉPASSE ALLÈGREMENT LES FRONTIÈRES DE LA BANDE DESSINÉE.

P.S. Si vous aimez les belles illustrations d'hier et d'aujourd'hui, voilà quelques beaux sites auxquels je dois la quasi totalité des illustrations de ce post, en particulier concernant Gus Bofa.