O'Neill et Moore nous montrent comment créer des personnages qui représentent des archétypes un peu ratés quand même.
Kevin O'Neill et Alan Moore et Benedict Dimagmaliw, La ligue des gentlemen extraordinaires, Delcourt grâce à une traduction de Janine Bharucha.
Pour faire un super-héros, c'est entendu, il faut croiser les archétypes.Mais pour faire un héros normal ? Il faut faire quoi ? On laisse tomber les archétypes alors ?
Ce sont les méchants, les super-héros.
Ils ont voyagé depuis Mars.
Ils ont des pouvoirs limites magiques de faire fondre les gens.
Ils ont des armures de chevaliers.
Et à défaut de raser la moitié d'un pays, ils rasent la moitié de Londres.
Bon, ils ont quand même un petit défaut : ils sont très très très vilains.
On peut les laisser tomber, oui, mais ce n'est pas obligatoire.
Ce qui caractérise un héros normal (je vais prendre un exemple au pif : vous). Ce qui vous caractérise, c'est effectivement que votre vie ne répond pas au schéma classique d'un archétype. Pas de pouvoirs magiques, pas de voyages super-longs, pas de gens qui viennent sonner à votre porte tous les matins pour vous demander d'aller raser la moitié d'un pays. Dites donc, c'est un peu tristounet.
Sauf que non.
Dans votre vie, vous êtes, vous aussi, en relation avec les différents archétypes, tels qu'expliqués par Jung. (Si, si. Je vous assure.) Sauf que, vous, vous n'incarnez pas ce ou ces archétypes, qui sont beaucoup trop forts pour vous ; ils vous servent seulement d'exemples à suivre qui semblent plus ou moins opportuns suivant la situation. (Mais puisque je vous le dis.)
Vous allez essayer de suivre l'archétype de l'amoureux le jour de la Saint valentin.
Vous allez essayer de suivre l'archétype du voyageur pour prendre le métro. (Quelle aventure !)
Et bin, ce que vous faites, les personnages de bande dessinée peuvent le faire aussi.
Il peuvent être construits sur ce même modèle de j'voudrais-bien-mais-j'peux-point-être-un-super-archétype. Ils peuvent devenir des personnages qui tendent vers un archétype, mais qui n'arrivent pas à l'incarner complètement.
Hyde voudrait bien être amoureux, mais non, il ne peut pas. Il y est presque, hein. Mais en fait non.
On reste dans un cadre classique de bande dessinée de super-héros, donc, chaque personnage ( pioché dans la littérature populaire du début du siècle dernier) est calqué sur un archétype unique. Sauf que ces archétypes restent, pour eux, un modèle inaccessible. Ils sont quand même des super-héros, hein, puisqu'ils sont des clichés d'archétypes. mais des super-héros bas de gamme.
- Mina Harker
Archétype : la Reine (avec une majuscule, quand même, c'est une reine). La chef, quoi. La boss. La leadeuse. Elle à +1000 en charisme sur sa fiche de personnage et ça lui suffit pour naturellement choisir les orientations du groupe et imposer son point de vue.
Petit souci : elle a rencontré dans sa jeunesse un gros badass de personnage archétypal de roi : Dracula (d'ailleurs, il était roi avant de sucer du sang) (enfin, il était comte, mais c'est pareil). Et ça c'est pas super-super bien passé (ni pour elle, ni pour lui). Mina Harker incarne donc une reine pleine de pusillanimité, qui sait ce à quoi peut bien mener l'excès de pouvoir débridé, et qui essaye justement de se brider elle-même. Une reine qui refuse son destin.
Bon, alors, là, le charisme se voit pas trop et elle ressemble plus à un poisson-lune, mais croyez-moi sur parole.
- Capitaine Némo
Archétype : le Voyageur. Bon, bin, il voyage, Némo, jusque là, je pens que personne ne viendra me chier dans les bottes sur ce point. Mais surtout, il découvre des merveilles (il découvre comment subvenir à ses besoins uniquement grâce aux denrées de la mers ; il découvre des îles mystérieuse).
Petit souci : son tempérament un brin soupe-au-lait l'amène à buter des tas de gens sans presque d'autre raison que ce sont des gens. C'est un héros voyageur détourné des merveilles qu'il possède (le sous-marin) ou qu'il connaît (les dessous marins) par sa misanthropie.
- Docteur Jekyll / Mister Hyde
Archétype : le Guerrier. C'est un guerrier pile poil comme l'archétype le demande : un guerrier qui veut pas y aller. Il veut rester le Docteur Jekyll. Et puis, on le chauffe, on le chauffe, résultat : il se transforme en Hyde et ça chie dans la colle pour beaucoup de monde.
Petit souci : une fois transformé en Hyde, il ne se contrôle plus et peu bien sauver une petit vieille qui se faisait voler son sac-à-main ou manger un bébé, ce n'est même pas sûr qu'il s'en rappelle dans cinq minutes. C'est un guerrier, mais sans l'aspect réflexif de celui-ci, qui le faisait aspirer au bien (et même rechercher le bien commun).
- Homme invisible
Archétype : le Stratège. D'habitude, un stratège, ça essaye de beaucoup parler pour manipuler les gens et les convaincre que son point de vue est le meilleur. Là, l'homme invisible essaye d'imposer son point de vue en manipulant l'univers proche des personnages pour les faire flipper (il bouge un vase de place et on croit qu'on perd la boule). C'est plus rustique, mais tout aussi efficace.
Petit souci : il est complètement niqué de la tête.
Re-bouh !
C'est quand même rigolo de pouvoir se mettre tout nu, comme ça, n'importe où...
Hummmm... Stratégie !
- Allan Quatermain
Oui, donc, bon, voilà, c'est un vieux con qui ne fait que ressasser ses supposées gloires passées.
Le héros d’antan a pris un coup derrière la casquette.
On peut avoir des personnages archétypaux qui respectent à mort le cahier des charges.
Ce que nous verrons la semaine prochaine.
(Oui, encore une suite à cet ensemble de billets (n'en doutons pas) passionnants.) (Ça n'en finira jamais.)
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