Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


mercredi 16 janvier 2019

Des tas de bandes dessinées : Otomo - Akira

Aujourd'hui, on fait tout péter.

DE QUOI ?


Quand Tetsuo, un adolescent mal dans sa peau, timide, et plutôt méga-frustré...




...rencontre un petit-enfant-vieux-mystérieux...


(déjà, dans une histoire, quand on rencontre un vieux mystérieux, c'est chaud, on sait qu'il va nous arriver des bricoles ;
quand on rencontre un enfant mystérieux, même topo ;
alors, quand on rencontre un petit-enfant-vieux-mystérieux, là, on est quand même sacrément mal barré)

...qui va lui donner les moyens de ses ambitions de vengeance/défoulement/pouvoir/envie de respect (sous la formes de pouvoirs télékinétiques de plus en plus monstrueux)...


...bon, bin, comment dire, ça va chier des bulles quoi.



QUI ÇA ?

Katsuhiro Otomo n'est pas connu (dans la bande dessinée) pour avoir fait grand chose d'autre dans sa vie que Akira.

Ok, il y a à son palmarès quelques histoires courtes et Domû (un récit moyen-métrage, dirons-nous, qui est une sorte de répétition de Akira, avec des personnages qui s'affrontent également par pouvoirs télékinétiques interposés) mais ça reste modeste malgré tout (dans Akira, les personnages rasent des villes entières, dans Domû, on détruit à peine un ou deux immeubles).

Pour compenser les scènes de morts écrabouillés salement sous des tas de gravas, 
on a aussi droit dans Domû a de jolis images d'enfant qui vole.

Akira est un peu le projet d'une vie (et, de fait, depuis, il a pas fait grand chose) (dans le domaine de la bande dessinée) (il répète ces derniers temps à qui veut bien l'entendre qu'il prépare un nouveau projet, mais, bon, moi je me dis un peu que c'est un énorme bluff pour qu'on lui foute la paix) (un peu comme quand on demandait à Spielberg quand est-ce qu'il réaliserait Indiana Jones 4 et qu'il répondait qu'il travaillait dessus et que c'était pour bientôt) (alors qu'il ne l'a finalement jamais réalisé) (NON) (Il ne l'a JAMAIS réalisé).

Tout ça pour dire que Otomo a mis tout ce qu'il pouvait dans ce bouquin. Et il peut beaucoup, le bougre.

MAIS COMMENT ?

Des personnages ouf à la fois hyper-charismatiques, hyper-torturés, hyper-marrants, hyper-vivants. Des personnages profonds. Un dessin qui réussi à combiner réalisme précis des décors et réalisme un peu plus souple des personnages pour l'expressivité. Des découpages de dingues dans lesquels on ne perd jamais le sens de l'action, la compréhension de l'espace, la position de chaque protagoniste dans cet espace. Un scénario extrêmement vaste qui brasse large avec des amours, des luttes, de la politique, de la religion, du métaphysique, de l'humour, et j'en passe.

On comprend que l'oeuvre ait marqué.

Et s'il ne fallait qu'une raison pour lire Akira, ce serait celle-ci : se rendre compte de son immense influence au niveau des designs de science fiction. Durant les 20 années qui vont suivre la parution des bouquins, tout le monde va venir y pomper quelque chose. C'est le 2001 : l'odyssée de l'espace de la bande dessinée (avant 2001, les vaisseaux spatiaux était des amas de boules oranges fluos qui voguaient sur du funk, après, tout deviendra blanc et froid). On a l'impression que plus aucun dessinateur de SF ne pourra représenter le moindre fer-à-repasser sans que son design ne soit inspiré du trait de Otomo.



Quand Buchet rend hommage à la fameuse moto rouge dans Akira.

ALORS, OUI, OK, C'EST VRAI.

Otomo a piqué le look de son dessin (à la fois rond et détaillé, réaliste et épuré) à Moebius.

(Mais, bon, Otomo a quand même rajouté pas mal de truc au style moebusien de base.) (Par exemple, tout bêtement : des traits, partout, tout le temps, des tas de petits traits pour mieux représenter les différentes matières et matériaux, afin d'accroître la palpabilité (si, ça existe) de son univers.) (Il a également utilisé un dessin beaucoup plus détaillé, tellement détaillé qu'on a l'impression de comprendre comment fonctionnent les machines rien qu'en les regardant (c'est un des rares exemples où le détail favorise l'imagination du lecteur, qui va essayer de trouver une raison à la présence de tous ces tuyaux dans toutes ces gaines dans tout ces multiplexeurs à ondes cérébrales) (car, oui, c'est évident, ça ne peut être que des multiplexeurs à onde cérébrale).)

On ne sait pas à quoi ça sert, mais on sait que ça doit faire mal.

(Et, de l'autre côté, la planète entière a ensuite piqué le look de son dessin à Otomo, alors...)

(C'est le cycle de la vie, voilà tout.)

(Et la vie trouve toujours un chemin.)

Harzakc, Nausicaa, Testuo, et Arzak, dessinés respectivement par Miyazaki, Moebius, Moebius, et Otomo.

ALORS ?

Cette immense influence graphique cache un mystère : la totale non-influence politique de l'oeuvre.

On parle ici, pourtant, de bouquins qui expliquent que toutes les strates de la collectivité sont corrompues et idiotes, ce qui les amènent à reproduire sans cesse les mêmes erreurs. De bouquins qui expliquent que le seul espoir est d'aller dans la destruction structurelle de la société pour repartir à zéro. De bouquins qui rasent tout sur leur passage, autant concrètement que métaphoriquement : les politiques, les militaires, les religieux, les débilos, tout ceux qui cherchent un sens à l'existence et croient en quelque chose, tout ceux qui ne croient en rien mais essayent de naviguer pour tirer leur épingle du jeu (bref : ça fait du monde).

Comme si la charge était trop violente, trop difficile à encaisser, il semble que les lecteurs (ou la critique) (ou les deux) aient plus ou moins détourné le regard pour n'en retenir qu'une ambiance vaguement rock 'n roll et une perfection plastique exceptionnelle.

Ce qui en fait déjà, et malgré tout, une des bandes dessinées les plus historiquement marquantes et importantes de la fin du XX° siècle (rien que ça).

C'EST DÉJÀ PAS MAL.

Tu m'étonnes.


RHAAAAA, JE VOUS DIS FLÛTE !

12 commentaires:

  1. Je tente un nouveau format, un truc du genre "toutes mes bandes dessinées préférées". En essayant en plus d'écrire plus de deux posts par an. Tout un challenge !

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  2. Chouette, le blog est de retour !
    Ah, la puissance graphique des contrastes radicaux. Une explosion dans une ville vue de haut ? >> Ville détaillée et énorme bulle toute blanche au centre !
    Je me souviens du moment où j’ai découvert ces pages improbables. J’étais fasciné et gêné qu’on puisse me surprendre. J’avais perçu que ce n’était pas une lecture convenable, que c’était les fouteurs de m... qui lisaient ça (j’avais sept ans, hein ^^).

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    1. Otomo, c'est un peu le rebelle dont le message passe sous les radars pour que tout le monde ne retienne que le décorum cool et violent, sans comprendre d'où vient cette violence.

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    2. Ah oui, oui, j’avais bien compris votre sum conséquent (et justifié) quant à la faible reconnaissance du message de l’auteur.
      C’est la grosse injustice des oeuvres qui font cohabiter plusieurs facettes : les seules personnes capables d’apprécier spontanément les deux pôles seront ceux qui connaissent la même forte cohabitation en eux même (par ex, en ayant à la fois un fort besoin de contact ludique, et un fort besoin de reconnaissance pour ses opinions). Le reste du public ne retiendra que la facette la plus évidente.

      Parfois, c’est l’inverse. Certaines oeuvres voient leur fibre rebelle et tapageuse occultée. Ainsi, je connais plusieurs personnes qui soutiennent que le film “La vie est belle” de Benigni, ne contient aucune scène drôle ou transgressive, que c’est un drame tragique, point à la ligne. Ou de façon plus récente, le film “les chatouilles”, dont personne n’a parlé de l’humour, pourtant très présent tout au long du film (sujet trop grave pour assumer qu’on a ri pendant une bonne partie de la projection).
      Pourtant, on parle ici d’oeuvres qui... RAA, je vous dis flûte ^^
      Bon week-end !

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    3. *Edit : je viens d’apprendre que sum s’écrit seum.

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    4. Après, les lecteurs ont bien le droit de faire se qu'ils veulent d'une oeuvre et de se focaliser sur n'importe quelle facette, pourvu qu'il la trouve cool. C'est plutôt le boulot critique que de garder la tête froide et de visualiser toutes ces fameuses facettes et de dépiauter le tout. Seulement, la critique, en bande dessinée, y'en a pas des masses.

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  3. Ah ben je savais pas que Miyazaki avait dessiné du Arzack, tiens.

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  4. Bonsoir cher monsieur le Zouave.

    Dites-moi, serez-vous des nôtres à Angoulême ? Une telle passion pour la BD m'encourage à penser que oui, et j'adorerais vous payer une bière pour tout ce que vous avez apporté à ma conscience de la BD et à la qualité de ce média ! :)

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    1. Raaah, mais c'est vraiment trop sympa comme invitation ! Mais, hélas, non, je ne serais pas à Angoulême (le coup classique : trop loin, trop peu de temps).

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    2. Trop loin, trop loin ... Je fais bien la traversée de la France pour un festival de tel ampleur ! Dommage, du coup, mais si jamais vous êtes tenté une année par le déménagement jusque dans la capitale française du neuvième art, je serais ravi de vous rencontrer autour d'un whisky ! (oui, traditionnellement Angoulême est le moment où l'on se sert en whisky)

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    3. Ah ouais nan mais fallait le dire ! Si on met du whisky en jeu, là ok ! Là, je viens !

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