Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


jeudi 4 août 2016

la bande dessinée est pleine de traits.

Otomo revient (on parle jamais assez d'Otomo) (Et puis, bon, j'ai scanné 250 000 pages d'Akira pour les posts précédents, donc autant que je les réutilise.) (Je ferai plus que des posts avec des dessins d'Otomo sur ce blog, maintenant.) (Blog que je propose de rebaptiser le blog d'Otomo (et un peu Miyazaki aussi quand même)).

Otomo revient donc, pour nous parler des lignes de mouvement.

Katsuhiro Otomo, Akira, Kodansha et Glénat.

Dans la bande dessinée, il y a des traits.

SANS DÉCONNER ?

Nan, mais, je veux dire des lignes.

DES DESSINS DANS UNE BANDE DESSINÉES ? EST-CE QUE JE DOIS PRÉVENIR DAVID PUJADAS ? LE MONDE DOIT SAVOIR.

Mais non ! Je veux dire : des traits isolés, qui ne font pas vraiment partie d'un dessin. Enfin, oui, bien sûr, ce sont des lignes qui font partie du dessin d'une case, mais qui ne représentent aucune forme. Qui représentent plutôt des choses abstraites, comme un mouvement, un impact. Des traits qui ne représentent pas une forme mais ce que fait cette forme.


À ce petit jeu, moi, je distingue deux ou trois sortes de traits différentes :

IL Y A LES LIGNES DE MOUVEMENT.

La ligne de mouvement, c'est comme une flèche. Le truc va de là, à là, en passant par là. C'est vraiment comme indiquer par où il faut passer sur un plan.

Morris met des petits pointillés pour nous indiquer où va chaque balle. C'est très pratique. Merci Morris.

Ce genre de ligne est une simple aide au lecteur, pour qu'il sache comment organiser sa lecture de la case ou de la planche. Le regard part de tel personnage, puis remonte vers tel autre en suivant les traits. C'est la méthode du petit poucet, indicative, pratique, nette et sans bavure, vraiment pas compliquée.

Otomo, lui, intègre les lignes de mouvement au décor. Au lieu que ce soit le personnages qui bouge, ont a l'impression que les personnages restent sur place et que tout le décor bouge autour d'eux.

1°) Cela permet de dessiner les personnages plus précisément.

2°) Cela isole les personnages dans l'action, comme s'ils ne voyaient plus ce qui les entoure, obnubilés qu'ils sont par l'envie de taper sur un enfant (qui a certes une queue de rat, mais c'est quand même pas une raison suffisante).

Seulement, parfois, ces lignes de mouvement sont là sans qu'on n'en ait vraiment besoin. Le mouvement est court, la lecture évidente, pourquoi s'embêter encore à rajouter des lignes dans un dessin bien chargé ?

IL Y A LES LIGNES DE FORCE.

Quand la ligne de mouvement est évidente, qu'elle n'est pas là simplement pour expliquer au lecteur ce qui se passe, la ligne n'indique plus le mouvement qui se produit mais la force avec laquelle il se produit.


Ici se mêlent lignes de mouvement (le personnage est pressé) et lignes de force, il balance un gros marron au passage parce que faut pas l'énerver.

Grosso modo, la ligne de force, c'est la ligne de mouvement pour les pains dans la gueule. (Ça va pas plus loin.)

Sans ces traits, le mouvement pourrait paraître suspendu, comme si le personnage prenait la pause, ou flottant, comme si le personnage faisait ce mouvement au ralenti. Avec les traits, plus de doute : l'entièreté du mouvement est réalisée dans la case. Tout ceci est donc rapide. Tout ceci est donc costaud.  Le personnage a mis de la force et de la puissance dans ce mouvement.

Otomo, lui, est souvent adepte des traits autour d'un personnage, de son poing, de son genou, de sa tête (peu importe la partie qui va essayer d'écraser le nez de l'adversaire), des traits qui nous font ressentir le  « ouhlàlà ça va faire mal ».

En plus, tous ces traits rajoutent des informations à lire dans la case. D'autres dessins à décrypter, d'autres mouvements à interpréter. Les signes saturent l'espace iconique, comme on dit dans le jargon. (Je bluffe complètement, jamais personne n'utilise des phrases aussi ampoulées en bande dessinées.) (Faut pas déconner non plus, c'est juste des conneries de Mickey.) On a donc l'impression qu'il se passe plus de choses dans cette fameuse case que dans celle d'avant ou celle d'après. C'est réellement une case d'action. Une case remplie d'actions différentes qui se chamaillent pour savoir qui aura le plus d'importance dans le regard du lecteur.

Y a tellement de traits qui partent dans tous les sens, contradictoires, qu'on comprend que c'est la merde uniquement visuellement. Puis le personnage saute et tente un truc, disons, osé, et le temps se suspend, le nombre de trait diminue dans la dernière case.

Mais attention ! Encore plus fort que les lignes de force ! Des fois, il y a des lignes alors qu'il n'y a même pas de mouvement ! 

IL Y A LES LIGNES D'IMPACT.

Les lignes d'impact sont là pour marquer l'impact d'un mouvement sur un objet (en général, un personnage) (en général, un personnage romain ) (en général, un personnage romain qui en prend plein sa gueule).

Obélix et Astérix expliquent la situation tranquillement, à tête reposée, mais avec plein de lignes d'impacts. (Bon, c'est pas trop des lignes, ce sont des... euh... des triangles joints entres eux d'impacts... ou, euh... des éclats d'impacts... Bref, essayez pas de détourner la conversation.) Des lignes qui représentent l'impact de la potion magique sur la santé d'Astérix aussi bien que l'impact de son poing sur le gros nez d'un romain.

Ce sont des traits hyper-abstraits. Ils ne décrivent pas une forme. Ils ne décrivent pas une action. Ils décrivent une impression. Un « ouh, il a été dur à encaisser celui-là ». C'est ce qui se rapporte le plus aux gros points d'exclamation et d'interrogation qui émanent des personnages quand ils sont surpris. Ces traits décrivent un état d'esprit.

Une action est quand même quelque chose de concret. C'est un fait. Ça a eu lieu. Les lignes d'actions représentent donc quelque chose de tangible.

La ligne d'impact, elle, exporte à l'extérieur d'un personnage une impression, un sentiment intérieur.


Dans ce cas là, ce qui est représenté n'est plus le monde extérieur dans lequel gambade joyeusement un personnage innocent tel le campagnol dans la forêt profonde. Il représente l'univers tel que vu par le personnage. Tel que ressenti par celui-ci.




Chez Otomo, c'est pas bien compliqué, ces traits sont utilisés pour représenter la colère, ou la peur, ou la peur emplie de colère.

L’IMPRESSIONNISME À BASE DE TRAITS.

C'est plus de l’impressionnisme à base de point. Ce n'est plus du pointillisme, c'est du traitrisme (c'est peut être un mot moche qui n'existe même pas, mais essayez de le dire dix fois de suite et on verra qui rigole) (pas moi, je ne me moquerais jamais de vous, voyons).

Le traitrisme, c'est pas compliqué : on fout plein de traits partout. Et un personnage au milieu. Éventuellement.

Le traitrisme n'aime pas du tout représenter plusieurs personnages dans la même case. C'est pas logique pour lui. Le traitrisme représente les impressions d'un personnage. S'il en dessine deux, on va pas savoir les sentiments duquel sont représentés par ces fameux traits. (Bon, à moins que les deux aient exactement les mêmes sentiments.) Donc autant représenter un seul gugusse pour clarifier la situation.

Chaque personnage est dans son truc, avec ses traits dans son sens, et il veut pas partager. (Le traitriste est égoïste.)

Le traitrisme se moque, la plupart du temps, de représenter un décor autour du héros. Bon, ok, il peut quand même dessiner deux ou trois éléments, histoire de donner des indices et pas trop perdre le lecteur. Mais ce seront des sols, des murs, des images fugaces captées par le personnage de ce qui fait grossièrement son environnement.

Et puis, des fois, l'environnement, il en a rien à foutre, et le traitrisme modèle un environnement complètement abstrait. dans ce cas là, le traitrisme représente l'espèce de tunnel de concentration, de « focus on your objectives », de « t'es un winner mon gars, tu vas y arriver » dans lequel se trouve le personnage.

Là, c'est net : chaque personnages est dans son truc (surtout celui qui tombe dans le vide) concentré sur son objectif (survivre).

Dans tous les cas, le traitrisme sature complètement l'espace iconique encore une fois. Seulement, la dernière fois, dans le cas des lignes d'action, l'espace était saturé par des tas de dessins différents (plusieurs personnages, plusieurs actions, et pourquoi pas un décor, soyons fou, c'est open bar). Ici, l'espace n'est saturé que par un seul type de dessin : des traits. Bien droits. Bien nets. Cette monomaniaquerie du traitrisme se réfère à la monomaniaquerie du personnage. En général, à ce moment là, quand il est entouré de traits, c'est qu'il n'est obsédé que par une seule chose (survivre, encaisser correctement un coup, voire simplement être surpris par une nouvelle époustifflante).

Le traitrisme, c'est exactement ça : l’obsession d'un personnage pour un fait, un geste, une émotion, à tel point que cette obsession efface et repousse tout autre élément qu'elle même et fait disparaître le décor, les personnages, et même la source de cette obsession.

Ils ne pensent qu'à une chose, et on ne voit qu'une chose, le trait. Il y pense beaucoup. Et il y a beaucoup de traits.

Le trait, c'est l’obsession.

Allez...


Parce que (je ne vous juge pas, mais quand même) 
prendre des flingues pour lire des articles sur internet, c'est limite, quand même.

2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Attention ! Ce blog n'est pas un blog sur le traitrimse !

      (Bon, faut connaître "la classe américaine" pour comprendre la référence.) (Ça rend pas mon commentaire drôle pour autant, mais ça l'explique.)

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