Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


jeudi 19 novembre 2015

La bande dessinée et les personnages à réaction.

Lewis Trondheim nous montre que, pour peu qu'ils soient logiques, les personnages et les péripéties se construisent tout seuls.

Lewis Trondheim et Brigitte Findakly, Les formidables aventures de Lapinot - Pour de vrai, Dargaud.

LA DERNIÈRE CHRONIQUE RÉSUMAIT BIEN LE BUT D'UN RÉCIT (SELON MOI).

(Enfin, moi, je trouve que c'était pas dégueu, après, vous, je sais pas. Les goûts et les couleurs tout ça. S'il faut, vous avez des goûts tout pourris.) (Non pas qu'il y ait quoi que ce soit de mal à ça.)

DONC, SELON MOI, LE BUT D'UN RÉCIT EST DE CROIRE À DES AVENTURES INÉDITES.

Et pour y croire, il faut que cela soit crédible. (Dites donc, ça c'est une révélation.) Quitte à parfois adapter/accorder un personnage pour qu'il cadre avec le récit et renforce sa logique. (Je me répète peut être mais vous saviez qu'il fallait nous répéter six fois une information avant qu'on l'assimile ? Hein ? Alors !)

ON EN ÉTAIT RESTÉ LÀ, ET C'ÉTAIT DÉJÀ PAS MAL.

Mais, attention, pour être complet, il faut aussi dire que cette démarche d'adapter le personnage au récit et le récit au personnage, ça ne marche qu'au début d'une construction scénaristique.

Parce qu'il faut bien voir les choses en face : au bout d'un moment, certains personnages sont bien définis, sont fixés, et on ne peut pas trop les changer, comme ça, tout d'un coup, en décidant qu'ils sont des fondus de tartiflettes (jeu de mot) (haha) (c'est bon de rire) (le rire qui avance, c'est le terrorisme qui recule), alors qu'il y a cinq minutes ils étaient allergiques au fromage.

Au bout d'un moment, après avoir posé les bases, les choses avancent un peu toutes seules.

La copine est occupée. Le copain est lourd. Et la transition entre deux scène se fait de manière naturelle. 
Tout en souplesse grâce à la souplesse des personnages.

LE SCÉNARISTE, CETTE FEIGNASSE QUI ARRIVE À PRÉSENTER LES CHOSES DE MANIÈRE TRÈS ROMANESQUE.

On entend souvent des écrivains, des scénaristes, et des auteurs de bande dessinée (moins les auteurs de bande dessinée quand même, vu que personne ne les écoute) dire : « c'était magique, l'histoire avançait toute seule, les personnages me disaient quoi écrire ».

Ce qui est une manière très très romantique de dire : « J'en est chié des rondelles de chapeau pointu pour construire une personnalité complexe à mon personnage principal qui soit en adéquation avec l'univers dans lequel je voulait qu'il évolue, pour que sa psychologie et son environnement l'amènent à faire ce que je voulais qu'il fasse. » « C'était compliqué, mais le bonus de cette démarche, c'est que, à un moment, tout était si bien fichu, et que je n'ai plus eu qu'à me demander quelle était la nouvelle réaction logique que devrait avoir mon personnage à sa précédente action. » « Les réactions logiques s'enchaînaient avec les réactions logiques, ça devenait plus facile. Je n'avais qu'à introduire un nouveau personnage ou une coïncidence à la gomme si je voulais changer légèrement ou drastiquement l'intrigue. » « Bref : ça m'a fait des vacances. »

Un nouveau personnage introduit grâce à un ancien personnage. tout ceci est bien huilé.

À partir d'un moment, l'empilement des péripéties (logiques), des nouveaux personnages (cohérents), ou des nouvelles informations sur l'univers (homogène) dans lequel ils évoluent va être rendu (plus) facile parce qu'il se fera par les réactions d'anciens personnages dont on connaît bien le caractère et qu'il est donc facile d'appréhender.

PLUS FACILE ET TOUT SIMPLEMENT NÉCESSAIRE.

Parce qu'un scénariste ne peut quand même pas réfléchir à son histoire en anticipant sur 25 tomes à l'avance, à un moment, il va arriver au point où il n'a plus rien anticipé du tout et où il va devoir créer ex-nihilo de nouvelles péripéties.

Il va donc se baser sur ce qui a déjà été écrit, pour trouver de nouvelles actions à faire faire à des personnages précédemment définis. Ou pour introduire de nouveaux personnages qui épouseront l'univers précédemment défini. Ou pour découvrir des nouveaux pans de l'univers précédemment défini.


C'est par exemple ce qui arrive à Lapinot quand il change complètement d'univers et est "projeté" 
dans l'ouest américain, le Londres Victorien ou la France romantique du XIX° siècle.

Au final, on introduit simplement les personnages dans de nouveaux décors, en gardant les logiques "psychologiques" des personnages précédemment définies.


Richard sera toujours Richard.

C'EST TYPIQUEMENT CE QUI SE PASSE DANS LES GROSSES SÉRIES DE MANGA.

Des trucs qui durent des années et des années, et qui deviennent de plus en plus complexes.

L'auteur est parti avec une idée de départ, un plan sur quelques (centaines) d'épisodes (grosso modo, il sait quoi faire sur un an ou deux) et peut-être même les grandes lignes générales de son histoire. Mais il arrive ensuite fatalement un moment où on le pousse à continuer son récit alors qu'il est vidé de toutes ses idées et qu'il faut qu'il improvise en empilant de nouvelles péripéties/personnages/univers.

One Piece (de Eiicchiro Oda) (ou Oda Eiichiro San, si vous êtes trop fan) est carrément basé sur ce concept :

Rencontrer de nouveaux personnages (et les agréger petit à petit au récit).


Évoquer puis explorer de nouveaux lieux (et les agréger petit à petit au récit).





Et puis se manger de nouvelles péripéties, de nouveaux combats, encore et encore.



CE QUI EST FASCINANT, C'EST QUE L'EMPILEMENT FAIT LE RÉCIT.

(Si si, je vous assure, c'est fascinant.)

Pour peu, encore une fois (je me répète) (je suis sûr que vous saviez pas qu'il fallait nous répéter six fois une information avant qu'on l'assimile, si ?) (ça aussi, c'est passionnant, non ?), qu'on respecte la logique, la cohérence, et l'homogénéité des péripéties, des personnages et de l'univers, l'arrivée de nouveaux personnages, de nouvelles péripéties, ou de nouveaux pans de l'univers vont naturellement créer du fond et de la complexité.

Pour peu que les nouveaux personnages interagissent avec les anciens, ils vont faire bouger les alliances entre ceux-ci, faire évoluer les différentes relations, modifier la vision que l'on a des personnages, leur donner un passé (un passé que l'on connaît, celui d'avant l'arrivée des nouveaux personnages), leur donner un futur (on attend les nouvelles modifications, restructurations des relations avec plaisir), leur donner de la densité.

C'est ainsi que piccolo-petit-coeur-truc partait avec un mauvais fond (en étant super fort).


Puis, au contact des différents personnages, il est devenu plus gentil 
(mais moins fort par rapport aux nouveaux personnages arrivant après lui).



Avant de devenir une espèce de présence tutélaire de la série 
(et de se prendre régulièrement de grosses tôles au combat).


Le fait d'avoir conservé Piccolo dans le récit et d'avoir réussi à le faire évoluer grâce aux autres personnages a créé de facto, sans trop y réfléchir (et sur une période d'au moins 3 ans de publication hebdomadaire quand même) un personnage très complexe.

EN PLUS.

Pour peu que les nouveaux personnages soient intégrés convenablement, il vont servir une nouvelle mise en perspective de nos anciens personnage connus.

Piccolo va révéler des aspects de la personnalité de Sangohan, et inversement.
Quant à Trunk, bin, euh... il va révéler des tas de trucs.

Comme pour les dialogues (où renoncer aux punch lines permet de développer des dialogues complexes qui enrichissent les situations et révèlent les personnages), en scénario, il faut renoncer aux personnages-punch-lines qui viennent et puis qui repartent après avoir simplement réglé/simplifié une situation. Il faut intégrer ses nouveaux personnages (comme Piccolo, comme Trunk, comme tous les personnages de One Piece du premier au dernier) dans le récit général et ces nouveaux personnages, ces nouvelles interactions enrichiront les personnages et révéleront les situations (ça veut rien dire mais c'est pour faire un chiasme avec le début du paragraphe) (c'est du style).

AU FINAL, APPORTER QUOI QUE CE SOIT COMPLEXIFIE TOUT.

(Pour peu que cela soit fait de manière logique, n'est-ce pas (je ne le répéterais jamais assez) (d'ailleurs, le saviez-vous, il faut répéter six fois une information avant qu'on l'assimile) (ha bah oui, je suis bête, vous le savez), ce qui permettra au nouvel élément apporté de s'intégrer correctement au reste du récit.)

Quoi que, parfois, on voudrait que les choses n'aient pas évolué.


Plus les péripéties s'empileront, plus nous auront de chances de voir de nouveaux personnages, de nouveaux univers, de nouvelles configurations modifier, changer, faire évoluer les personnages que nous observons, ou le point de vue que nous avons sur les personnages.

On peut apprendre, comme ça, au fil de l'eau, des choses importantes et insoupçonnées 
sur le personnage principal de notre série fétiche.

En plus, l'empilement des péripéties (et donc l'empilement des changements et des reconfigurations des personnages que nous connaissons si bien) nous donne cette impression de connaître des personnages depuis looooongtemps. Que ce sont des vieux briscards qui ont connu des tas de choses. Et que nous les avons connues avec eux. Depuis le début.






Dans la série Lapinot, on assiste au développement de sa relation avec Nadia depuis leur première rencontre, 
et ça nous donne un gros sentiment d'intimité avec les personnages.

Plus de péripéties il y aura, plus la série durera, et plus cette sensation d'avoir vécu avec les personnages sera vraie.

MAIS TOUT ÇA N'EST RIEN SANS LES RÉACTIONS DES PERSONNAGES.

Pas de Iron Man, Tom Cruise, ou James Bond super fort qui affrontera une énième fois un super vilain, couchera une énième fois avec une super fille, et sauvera une énième fois le monde. Et recommencera comme si de rien n'était le film suivant.

Côté action, là, Lapinot est à son gros maximum. Et ce qui compte, justement, c'est la réaction de sa copine. 
C'est ça qui donne une valeur à la scène.

Un personnage marqué par ce qu'il vit. Influencé par ceux qu'il rencontre. Impressionné par l'endroit dans lequel il existe.

Un personnage qui réagit à ce et ceux qui l'entourent.

Un personnage à réaction.

Voilà exactement ce que j'entendais par "personnage à réaction".

2 commentaires:

  1. Il me semble qu'il s'agit là de sérialisation : le phénomène qui se produit dans les séries télé type Bones ou Mentalist. ça fait longtemps qu'on ne s'intéresse plus à la résolution de l'intrigue (toujours par un charabia scientifique dans Bones et par un piège dans lequel tombe inévitablement le méchant dans Mentalist), mais uniquement par l'évolution de la relation des protagonistes.

    Alors c'est ça l'intérêt des séries : s'attacher à des personnages comme on s'intéresse aux couples de vieux d'à-côté ? Moisis mais tellement pittoresques ?

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  2. Sinon, comme personnage à réaction, j'ai aussi Astro-Boy et le Rocketeer.^^

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