Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


jeudi 23 janvier 2014

La bande dessinée est la plus géniale de tout l'univers avec des tartines de thon.

Bill Watterson nous re-démontre qui c'est qui est le boss in da place. 

(Il est comme ça, Bill Watterson.) 


(Il aime bien que tout soit clair.)





Bill Watterson, Calvin & Hobbes, Universal Press Syndicate (?) & Les éditions du Lézard.

LA SUITE DE CE QUI PRÉCÈDE.

Il faut ajouter une nouvelle qualité à celles énumérées tantôt à propos de Calvin & Hobbes.

Une des plus remarquables caractéristiques de toute cette extraordinaire bande dessinée (tel le sel de la mer, le plumage du paon, le Walter PPK de James Bond, le racisme ordinaire des français, ou le souffle de la vie) est le travail réalisé par son auteur pour jouer et dialoguer avec le lecteur.

On n'aime pas seulement Calvin & Hobbes parce que c'est drôle, intelligent, émouvant, et patati et patata.

On l'aime aussi parce que l'auteur construit nos attentes, ou les déjoue, nous piège, ou nous conforte dans celles-ci.

Bref, parce qu'il nous implique.

C'EST D'AILLEURS UNE DES CLEFS DE LA CONSTRUCTION DE CALVIN & HOBBES.

CLEF QUE WATTERSON DÉVELOPPE A TOUS LES NIVEAUX.

De manière spécifique sur chaque page ; dans la diversité des gags quand on commence à en avoir lu pas mal ; et même au niveau du concept général de sa bande dessinée.

POUR CE QUI EST DE « LA MANIÈRE SPÉCIFIQUE A CHAQUE PAGE »...

Voilà une page...

...Et voilà ce qu'on comprend avant de commencer à lire.

Le lecteur sait qu'il va avoir droit à une histoire à chute/gag. Watterson sait que le lecteur sait. Il va donc l'allécher, d'entrée de jeu, avant toute lecture, par l'aspect global de sa page qui dit déjà : « Ok, tu veux du gag. Ok ok... Bon, regarde le petit Calvin dans le coin bas droit. C'est la chute en fin de page. On est d'accord, tu vas l'avoir. Pas de soucis. Donc tranquillise toi. ».

Cela permet à Watterson de développer un discours philosophique, philologique, et pas du tout rigolo (plus mélancolique et moins rapide) durant le reste de la page. Le lecteur se dit « Haha ! Ce qu'on va loler à la fin ! » et, en attendant, il accepte le reste sans sourciller. 

ON A DONC EU :


 Un beau dessin, expressif et efficace...

Mis en place pour développer une bande dessinée attentive à l'expression des sentiments des personnages...

Rendue possible par un découpage rythmé permettant de manipuler le lecteur...


Afin de créer des points de suspension dans le récit.


 Suspension qui permet à son tour de développer toutes les qualités ci-dessus citées.
(Dessin, expressivité, attention aux personnages, profondeur, patati.)

C'EST FORTICHE, QUAND MÊME !

Le plus fort étant que cette suspension, utilisée pour approfondir les personnages, sert aussi à modifier le rythme de l'histoire pour amener une chute plus abrupte, plus marquante, et plus drôle. Ou, comme on dit de par chez moi : « rien n'se perd, ma brave dame ».

Avec ce système, Watterson nous dit au début : « Hey, jeune impétrant ! Fais moi donc confiance ! ». Et nous de dire à la fin : « Whou ! Un gag + de la profondeur + un bout de chou émouvant ! Ça vaut le coup ! La prochaine fois, je lui ferais confiance derechef, à ce Watterson ! »

Bref :  le dialogue auteur-lecteur s'installe...

OUI, D'ACCORD, M'ENFIN, BON, ÇA PEUT ÊTRE LASSANT, TOUJOURS LE MÊME SYSTÈME, UNE FOIS QU'ON A PIGÉ LE TRUC.

Rien de plus vrai.

C'est pour ça que ce n'est pas toujours le même système.

Comme ça, une fois le dialogue auteur-lecteur établi, il n'est jamais brisé par une quelconque lassitude ou impression de répétition ; on a toujours le sentiment d’approfondir notre relation aux personnages et à l'auteur.

ALORS ATTENTION !


Est-ce qu'il y a toujours Calvin et Hobbes dans Calvin & Hobbes ? Oui. Est-ce qu'il y a toujours des gags ou des réflexions philosophiques à la fin de chaque histoire ? Oui. Est-ce que Watterson travaille toujours son rythme dans l'optique de se rapprocher des personnages ? Oui.


MAIS !


Il va faire varier ce qu'on pourrait appeler la forme de sa bande dessinée (le type de dessin, le type de récit) pour ne pas lasser sur le fond (dessin, expressivité, attention aux personnages, profondeur, vous connaissez le topo, oui, je me répète, oui, je suis gâteux, oui, je regarde les Feux de l'amour en ressassant mes souvenirs de jeunesse durant la guerre de 40, ce temps béni où la France avait enfin trouvé un führer leader digne d'elle en la personne du Maréchal).


(Et maintenant, sous vos yeux ébahis, une petite partie pour les anglophones, c'est pédagogique, ça récompense ceux qui suivaient à l'école en cours de langue ou ceux qui téléchargent illégalement Game of Thrones et suivent ça avant même que les sous-titres ne soient dispos.)







Variations sur la forme : on passe d'une chronique quotidienne sous la neige à un polar, puis à un dessin réaliste animalier.
(N.B. : Les trois strips-bonhomme-de-neige sont aussi changeants : un strip-une-case, un strip silencieux, un strip très dialogué.)

PREMIER INTÉRÊT DES VARIATIONS : NE JAMAIS SE RÉPÉTER, NE JAMAIS S'ENNUYER.

Une allégorie de toutes les histoires de Calvin et Hobbes.

Quand on a assez fait de bonhommes de neige, bin on passe à des girafes pour parler d'autre chose. Quand on en a assez du foot, on passe au badminton, puis au calvinball.

De cette manière, Calvin & Hobbes ne lasse ni le lecteur (qui n'achète pas forcément cette bande dessinée pour se barber), ni l'auteur 
(qui pourrait s'épuiser à raconter toujours les mêmes histoires).

(Rien de problématique à réaliser une œuvre disons, euh, un rien ardue pour le lecteur. (Qui a dit : « Beckett » ? Qui a dit : « Joyce » ? Qui a dit : « en bande dessinée aussi, dites donc » ?) Il y a de très bonnes oeuvres qui expliquent que la vie est pas jolie-jolie et qui se mettent au diapason de cette réalité.) (Seulement, ce n'est pas du tout le sujet de Calvin & Hobbes. Au contraire.)

(Ce
 n'est pas non plus spécialement négatif que l'auteur déprime. On s'en tape, dans l'absolu, de l'auteur. Par contre, si celui-ci essaye d'humaniser ses personnages en diffusant à travers eux et qu'il devient un sale con (ou plus simplement un blasé/fatigué), eh bien ses personnages ont toutes les chances de devenir aussi des sales cons (ou plus simplement des blasés/fatigués).) (Les plus vieux d'entre vous, qui se souviennent des dernières saisons de X-Files comme d'autres se souviennent du Vietnam, me comprendront.) (Et ni Calvin ni Hobbes ne sont des blasés.)

Cette logique est poussée à fond les ballons sa mère chez Moebius, qui dessine d'une page à l'autre, d'un jour à l'autre, suivant son humeur. Humeur changeante, forcément. Et donc bande dessinée changeante. Il ne se lasse donc jamais de l'exercice, puisque ce n'est jamais le même exercice.

Images de Moebius en train de ne pas s'ennuyer.

Bref, comme le dit Calvin : « la seule règle du calvinball est qu'on ne peut pas jouer deux fois avec les mêmes règles ». 

DEUXIÈME INTÉRÊT DES VARIATIONS : MIEUX DÉCRIRE UNE CERTAINE RÉALITÉ, SE RAPPROCHER DES PERSONNAGES, S'EXPRIMER EN TANT QU'AUTEUR. (TOUT ÇA !)

Si je re-re-re-re-re-résume certaines qualités évoquées dans le précédent message, il y avait :

  • Une bande dessinée expressive.
Et un dessin est d'autant plus expressif qu'on peut le modifier en fonction de ce qu'il doit montrer.

Que ce soit dans son style :


Ou dans l'univers qu'il décrit :


(On note l'utilisation des couleurs chelou, très pulp, qui influent aussi sur la signification du dessin.)

  • Une bande dessinée attentive à des personnages profonds.
Le style peut être modifié pour exprimer la manière dont un des personnages perçoit son environnement.



Double effet kiss kool : on est surpris par une nouvelle approche graphique ; on est donc curieux de son explication ; on est d'autant plus attentif au point de vue du personnage qui explique tout ce mystère.

  •  Une bande dessinée stylée et personnelle.
En développant tout un tas d'outils graphiques ou narratifs pour mieux s'exprimer, Watterson personnalise sa bande dessinée autant que ses personnages, pour en faire un univers unique.

On voit pas ça tous les jours...

DONC, EN FAIT, TOUT EST DANS TOUT ET TOUT SERT A TOUT.

Les variations servent les autres qualités de Calvin & Hobbes, et les autres qualités de Calvin & Hobbes servent les variations.

Pour résumer ça, un schéma moche :

Quoi ?! Tout le monde est pas obligé d'être un pro de Photoshop ! Ça va bien, le diktat du bon goût !

Je dirais même plus : un schéma très moche :

C'est bien plus clair comme ça, non ?

Alors, certes, là, tout de suite, à brûle-pourpoint, ça paraît compliqué.

C'est parce que ça l'est.


Une bande dessinée, ce sont des tonnes et des tonnes d'éléments différents qu'il faut maîtriser puis associer de la manière la plus harmonieuse et performante possible.


La bande dessinée, c'est chaud.


C'est tout au mérite des auteurs de se gratter la tête toute la sainte journée pour essayer d'identifier et ensuite appliquer ce genre de bazar à base de flèches, de mots violets, oranges, gris, et bordéliques..


C'est tout au mérite de Bill Watterson d'arriver à en faire un tout cohérent.


UN TOUT UTILISÉ DANS UN BUT ENCORE PLUS SIOUX, ET NON DES MOINDRES : RENFORCER LE COEUR MÊME DE SON OEUVRE.

Un coeur qui repose sur une question : « Est-ce que Hobbes est un tigre en peluche issu de l'imagination de Calvin et de l'auteur ? ».


Selon moi, la réponse est « non ».

J'ESSAYERAI D'EXPLIQUER POURQUOI LA SEMAINE PROCHAINE.




Dites donc, ça a été l'orgie de pages, ce coup-ci. Pour un dossier sur Watterson, un auteur particulièrement à cheval sur l'utilisation et le détournement de son travail, ça ne manque pas de piquant. (Je dis ça, je dis rien.)

JE NE SAIS PAS. JE NE VOUS ENTENDS PAS. JE SUIS DÉJÀ PARTI.

6 commentaires:

  1. Génial cet article, que je découvre malheureusement après la petite émission que j'ai réalisée sur Calvin & Hobbes !!

    C'est marrant que tu montres les planches où Calvin et Susie sont plus vieux, dans un style de bd à la Burns, parce que j'ai utilisé une planche reprenant exactement ce concept dans l'épisode ! Pourtant, elles sont assez rares (comparées aux bonhommes de neige, je veux dire...)

    Très sympa ton blog :)

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    1. Oui, effectivement, j'avais vu votre vidéo. Ça, c'est de la synchronisation !

      C'est vrai que les pages "Calvin et Susie jouent aux adultes" sont rares, mais elles montrent bien la palette très large de Watterson. (Je trouve.) (A mon avis.) Et donc elle montre bien que Watterson est cool (car c'est ça le secret : être cool).

      Merci pour les compliments. Bon courage à vous pour la suite.

      Par contre, comme je suis méchant et que je tiens absolument à péter une ambiance de franche camaraderie : le lien vers votre youtube est tout vérolé et google me dit que vous êtes de grands satans rose-croix illuminatis (de ceux qui sont du genre à faire des vidéos avec des hommes gâtés par la nature et des poneys, j'imagine).

      Un lien vers chez vous qui marche :
      http://www.9emeart.fr/post/news/comics/case-par-case-vous-presente-bill-waterson-et-calvin-hobbes-1150

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  2. Je pense que tu es fan de Calvin & Hobbes ! ;)

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  3. Le vote pour le grand prix d'Angoulême étant secret, je me réfugie derrière mon immunité diplomatique et ne communique pas sur ce sujet !

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  4. Merci pour tout ca. Et merci pour la suite ! Encore du Calvin et Hobbes, chouette.
    Allez hop, je rentre et je me retape les 24.

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    1. Ouais... Disons que je vais essayer de pas trop ruiner les deux premiers posts (que vous avez la gentillesse de pas trop détester pour le moment) avec un troisième complètement foiré. Il sera donc à demi-foiré.

      Par contre, relire du Calvin & Hobbes : très bonne idée !

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