Quelques pages de bande dessinée de temps en temps.

Une critique essayant d'être intéressante à cette occasion.

Un aspect particulier de la bande dessinée à chaque critique.


vendredi 21 juin 2013

La bande dessinée fait comme tout le monde, elle donne la main à Jojo Campbell.

Jack Kirby nous montre comment se jouer des archétypes.

Jack Kirby, Mike Royer et Vince Coletta, Mister Miracle - La liberté ou la mort
DC Comics & Vertige Graphic (avec l'aide de Giovanni Peritore et le sens de la formule de Patrick Marcel).


Aujourd'hui, un message assez long, en deux fois, mais rempli de plein d'images. (Et, comme tout bon lecteur de bande dessinée le sait, les images, ça compte quand même pas pour de la vraie lecture. Donc j'ai le droit.)

MAIS D'ABORD, UN PETIT PRÉAMBULE.

Vous vous souvenez du message précédent dans lequel j'avais évoqué Dan Harmon ?

Comment ça, je n'y ai jamais évoqué Dan Harmon ? 

Ça voudrait dire que j'ai oublié d'en parler et que mon message était encore plus pourri que d'habitude ? 

Ha ha ha. Ça m'étonnerait très fortement que j'ai pu faire une chose pareille...

Non, parce que, justement, une des plus belles oeuvre (oui, j'y vais avec les grands mots) sur la suspension volontaire d'incrédulité est l'épisode Advenced Dongeons and Dragons de la série Community (s2e14). Une série showrunnée par Dan Harmon.

Le début d'une grande aventure.
(Soyez une vraie geek personne de goût : regardez cette série.)

En plus, parler de Dan Harmon dans le précédent message aurait été une super tactique de sioux pour m'épargner du boulot dans ce message-ci, puisque Harmon est un fan absolu et utilise les techniques misent au point par l'homme dont nous allons un peu causer aujourd'hui : Jack Kirby Joseph Campbell.

Alors, franchement, hein, que j'ai oublié d'en parler, je n'y croit absolument pas...

BREF, ALLEZ, ZOU, ON EST PARTI.

Joseph Campbell était un universitaire qui s'est intéressé durant sa vie à tout un tas de trucs : les mythologies, l'anthropologie, la langue française, le sanskrit, James Joyce, Carl Jung, l'inconscient collectif, et ma belle-mère.

Malgré tout, il n'est pas que connu dans ce bas monde pour avoir été un gros curieux (ce qui est déjà très bien), mais également pour avoir écrit Le héros aux mille et un visages, un livre dans lequel il développe une théorie selon laquelle les grands mythes spirituels que développent toutes les cultures du globe sont façonnés selon une seule et même structure, comprenant des personnages archétypaux bien définis et des étapes toujours identiques dans le développement de ces personnages.

ET DONC, LÀ, DAN HARMON M’ÉCONOMISE UNE MIGRAINE.


Alors d'accord c'est en anglais... Comment ça, vous ne lisez pas l'anglais ? Bon. Pas de soucis. Jack Kirby arrive à la rescousse et vous explique un peu tous les archétypes de cette fameuse structure campbellienne (avec des dessins, en plus) (enfin, je Kirby résume, hein, n'allez pas dire que c'est exactement exactement comme ça que Campbell a décrit sa théorie).

NOUS DISIONS DONC QUE, POUR ÉCRIRE UN GRAND RÉCIT A FORTE TENEUR EN SPIRITUALITÉ, IL NOUS FAUT (ATTENTION, C'EST SUPER LONG, PRENEZ VOTRE RESPIRATION) :

  • Un jeune homme insatisfait / incomplet (avec un nom atypique) qui est bien tranquille mais qui désire plus ou moins secrètement quelque chose.

Bonjour Monsieur Complètement-complètement-libre qui ne connaît pas ses parents.

Bonjour Monsieur Je-marche-seul-dans-le-ciel qui ne connaît pas ses parents.

  • Un mentor à la barbe fleurie et aux nobles connaissances qui va aider le héros à se dépasser, à comprendre et réaliser ce qu'il veut.

Attention, faut pas me chauffer.

J't'avais dit de pas me chauffer.

  • Une force bien mystérieuse qui est une métaphore / allégorie des aspirations du héros.

C'est pourtant clair, c'est la force.

Oui, la force, qui donne au chevalier jedi son pouvoir. C'est une sorte de fluide créé par tout être vivant. 
Une énergie qui nous entoure et nous pénètre. Et qui maintient la galaxie en un tout unique. 
Et sinon, tu sais pas où j'ai foutu mes neuroleptiques ?

  • Un compagnon fort cocasse (qui incarne certains aspects du monde dans lequel le héros évolue).

Aha, sacré lui !

Ouais, je me la pète, mais j'ai les moyens quand même, je suis Indiana Jones (j'ai un doctorat).

  • Une princesse ma foi fort sympathique (qui incarne d'autres aspects du monde dans lequel le héros évolue) (et des fois les aspects complémentaires à ceux du compagnon cocasse) (à eux deux, ils forment un peu le « ça » du héros) (les cochons).

L'importance de la culture physique.

J'étais là, tranquille, en train de faire une sieste dans une pause hyper naturelle.

Je disais donc que j'étais là, tranquille, dans une pause hyper naturelle.

  • Un appel à la grande aventure pour affronter le maaaal, alors qu'au départ le héros voulait juste rester peinard. Mais comme sa « zone de confort » est détruite, il est bien obligé de partir et de se confronter à des situations nouvelles.

C'est sûr que ça n'a pas l'air super engageant, cette histoire.

Mais bon, en même temps, je voulais pas y aller, mais, là, je suis bien forcé.

  • Des tas de situations nouvelles à affronter. Des ennemis (plus ou moins symboliques) à vaincre. Un nouveau monde et des nouvelles personnes auxquels s'adapter. Un seuil à franchir.

De longs tunnels dans l'étoile de la mort chez les ennemis.

Et des pièges à Apokolips vicieux.

Des méchants moches, parce que c'est plus rigolo.

Mais vraiment très moches, hein.

Et même des nazis, tant qu'à faire.

Bon, c'est pas un nazi, mais c'est un sale PETIT COLLABO !

Et des, euh, des... euh... des trucs.

Pareil, charge fatale, bidule muche, tout ça. Ouh ! Ça fait peur !

(Des personnages censés être hyper classes et qu'en fait on voit jamais.)

Ah, la peur ! C'est pas bien, la peur. Oh non !

  Parce qu'après t'as des grosses hallus chelous sur Dagobah.

  • Un nouveau mentor bizarre qui parle de trucs que tu comprends pas forcément mais tu fais style quand même... (Parce qu'une fois que tu as appris, via les premières épreuves, quel était le vrai but de ta quête, ce que cachaient tes premiers désirs, tu as besoin de repasser du palier spirituel à foison.) (Donc tu as à besoin d'un nouveau mentor.) (C'est cadeau.)

Ouais, clairement. Franchement. Tu parais pas du tout sous champis.

Bin tout ce que je comprends, Yoda, c'est que tu es une grosse feignasse.

  • Et le dépassement du mentor !

T'as vu comment que j'ai passé une étape de mon développement personnel ? (Image sponsorisée par L. Ron Hubbard.)

C'est celui qui est vivant qui a gagné !

  • L'arrivée du gros GROS méchant super badass.

Euh, ouais, faut voir.

Je dis pas non, hein. Mais je te cache pas que j'hésite quand même un peu.

Ce méchant badass représente alors tout ce qui empêche le héros de se réaliser, l'obstacle ultime fasse à ses vrais désirs et, en quelque sorte, le gardien qui lui fera payer le prix de sa transgression. (Comme nous l'avait souligné ce brave Dan Harmon.) (Comment ça « en fait j'ai rien lu, ça avait l'air super chiant et en plus en anglais » ?)

La subtilité, y'a qu'ça d'vrai.

  • Ne reste plus qu'à opérer le meurtre du père symbolique (rien que ça), le passage de l'adolescence à l'âge adulte, l'émancipation pour atteindre ses objectifs et devenir soi-même. Tout ça, tout ça...

Et laissez-moi rentrer après 22 h 30 !

Vouais ! Pareil !

  • Pour que tout se finisse bien, en rentrant chez soi, pépère, entre amis, mais définitivement changé.



MAIS ALORS LUCAS A TOUT POMPÉ SUR KIRBY ?

Pas exactement. 

D'abord parce que (en plus du héros aux mille et un visages publié en 1949) Lucas a plutôt pompé John Carter of Mars, un personnage de roman issu de l'imagination de Edgar Rice Burroughs (première parution en 1912), et un film de Akira Kurosawa intitulé La forteresse cachée (sorti en 1958).

Pourquoi des bikinis affriolants dans Star Wars ?

Parce que sur Mars, il fait chaud, et qu'on est mieux en maillot de bain, voilà pourquoi.
(Illustration de Aaron Miller pour Princess of Mars.)

Et Kurosawa, c'est pas dégueu non plus, hein, quand même.

Ensuite parce qu'il a surtout pompé la structure générale et les héros archétypaux décrits par Campbell. Et qu'il est donc retombé sur les mêmes schémas que tout un tas de raconteurs d'histoires ont utilisé / utiliseront. Par exemple : John Carter of Mars est un héros typiquement campbellien, dont les aventures ont commencé quarante ans avant la publication du héros aux mille et un visages. 

Edgar Rice Burroughs était arrivé, (très) intuitivement, aux mêmes conclusions formelles que Campbell. 

Kurosawa fait de même quand il se dit qu'il va un peu casser sa figure d'intello communiste qui réfléchit à la place du prolétariat dans la société en faisant un bon film d'action bien carré (film d'action de 1958, mais film d'action quand même)...

MAIS KIRBY DANS TOUT ÇA ? IL FAIT QUOI ? IL PASSE UNE SOUPE ?

J'essayerai de répondre à cette angoissante question dans le prochain message.

2 commentaires:

  1. Rhooo, le final sur un cliffhanger...

    Bon, commander le "heros aux mille visages" : fait.
    (dsl: boulette orthographique)

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    1. Alors attention ! "Le héros aux mille et un visages" (que j'ai vraiment résumé très grossièrement, s'il y a un spécialiste campbellien qui passe dans le coin, il me défonce), c'est bien, mais il faut savoir s'en détacher. Surtout ces derniers temps, alors que cette structure a été sur-utilisée, que les lecteurs/spectateurs ont commencé à la piger, et qu'elle rend donc les scénarios prévisibles.

      Il ne suffit pas de faire du Campbell pour faire un bon scénario. ça donne une structure, soit. Mais il faut ensuite remplir cette structure.

      Ce que fait Dan Harmon avec des personnages cools / réellement très attachants / complexes malgré l'ironie de l'écriture.

      Ce que fait Jack Kirby en s'appuyant sur les archétypes campbelliens pour les transcender et en faire quelque chose de plus profond.

      Ce que j'essayerais d'expliquer dans le prochain message.

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