Laurent André, quel et le propos ?, L'Association.
Comme j'essayais de le dire précédemment : la bande dessinée est une écriture.
Les lettres ne sont que des dessins à la fois plus précis et plus restrictifs que la plupart de leurs congénères.
Entre ça :
Et ça :
Il n'y a a pas tant de différences...
Un des avantages de la bande dessinée étant que les deux modes d'expression (texte et dessin) peuvent cohabiter de manière pacifique, sans que cela ne choque personne (alors qu'en littérature, glisser des illustrations dans les bouquins est tout un pataquès) (et ça ne respecte pas l'imagination du lecteur, et c'est infantilisant, et patati et patata), Laurent André se dit qu'il va pousser le bouchon un peu plus loin.
JE SUIS OBSESSIONNEL, NE FAITES PAS ATTENTION.
Je ne répéterai jamais assez que, pour moi, la plus grande force de la bande dessinée est de pouvoir faire des choses merveilleuses l'air de rien, avec modestie et discrétion.
Ici, Laurent André mêle des tas d'éléments différents en un tout harmonieux et que l'on trouve absolument naturel, juste parce qu'il arrive à équilibrer l'ensemble des petits bouts composant sa page.
Parce que si on énumère, on trouve :
- BEAUCOUP DE TEXTES QUI SE SUFFISENT A EUX-MÊMES, QUI N'ONT PAS BESOIN DE DESSINS.
- DES DESSINS EGALEMENT INDÉPENDANTS.
- DES TEXTES QUI VARIENT EN TAILLES, EN POLICES. QUI SONT DE GUINGOIS. QUI EXPRIMENT QUELQUE CHOSE DE PAR LEURS FORMES.
- DES DIALOGUES.
- DES NARRATIFS.
- DES ADRESSES AUX LECTEURS.
- UNE COMPOSITION COMPLÈTEMENT ZINZIN...
Et tout cela mêlé, touillé, par petits bouts épars. Chaque partie étant drôle, elles s'accumulent pour, encore une fois, accroître l'impact du tout et former un style unique. Ce qui donne le truc le plus proche de la méthode « on fait ce qu'on veut » (autrement appelée « j'ai la fuck you attitude ») qu'on puisse imaginer.
Laurent André, ce rebelle.
Laurent André, ce rebelle.
DES PETITS BOUTS ÉPARS, C'EST DONC BIEN UNE BANDE DESSINÉE.
(Qui est pour moi, petit rappel, le simple fait de mettre deux dessins l'un à côté de l'autre.)
Ici, certains dessins ne sont simplement que des bouts de textes. Comme si on avait pris une case, qu'on en avait viré les cadres et les dessins. Il reste le texte de la case. Mis à côté d'autres textes dans d'autres cases. Renoncer à mettre des dessins dans certaines cases, c'est, finalement, renoncer à une convention de plus. Ce n'est pas parce qu'on peut mettre dessin ET texte (pas comme chez les romanciers, ces ringards), qu'on est obligé de mettre les deux.
Ici, certains dessins ne sont simplement que des bouts de textes. Comme si on avait pris une case, qu'on en avait viré les cadres et les dessins. Il reste le texte de la case. Mis à côté d'autres textes dans d'autres cases. Renoncer à mettre des dessins dans certaines cases, c'est, finalement, renoncer à une convention de plus. Ce n'est pas parce qu'on peut mettre dessin ET texte (pas comme chez les romanciers, ces ringards), qu'on est obligé de mettre les deux.
On se trouve là au coeur de ce qui fait la beauté de la bande dessinée. Sa plasticité. Sa fluidité. Sa souplesse. Sa richesse. Son apparente facilité. Sa liberté. Sa versatilité.
(Retenez moi ou je suis parti pour aligner les substantifs jusqu'à demain.)
La transition, le décalage, le renforcement ou la suppression d'un élément, d'un dessin, d'un texte ; la construction bizarroïde... Tout cela est naturel, puisque c'est l'essence même de la bande dessinée que d’accoler des images différentes pour créer un effet inattendu (et donc de réfléchir à comment accoler ces éléments, et quels éléments accoler).
En ce sens, Laurent André fait ici de la très bonne bande dessinée, parce qu'il ne se restreint jamais et pousse les limites du médium. Pas de règles de case, pas de règles de bulle, pas de règles de linéarité. Un ensemble de dessins placés les uns à côtés des autres. La bande dessinée dans ce qu'elle a de plus pur, et de plus libre.
Et comme ce travail est fou-fou-libre, il semble logique que sa lecture soit fo-folle-libre. Et comme sa lecture est fo-folle-libre, le lecteur lui-même se sent fou-fou-libre. La structure de la page de Laurent André communique sa folie douce au lecteur, par sa manière d'être lue.
Les gags étranges épousent parfaitement la lecture étrange de cette étrange bande dessinée.
Cette étrangeté nous devient naturelle et nous avons l'impression, nous aussi, en quittant la lecture, d'être un peu plus fou-fou et un peu plus libre.
BREF.
Vive Laurent André.
MALGRE TOUT UN PETIT POINT INTELLO-RELOU SUR LE PROBLÈME DE LA BANDE DESSINÉE COMME UNE SOUS-LITTÉRATURE.
MALGRE TOUT UN PETIT POINT INTELLO-RELOU SUR LE PROBLÈME DE LA BANDE DESSINÉE COMME UNE SOUS-LITTÉRATURE.
Certains pourraient répondre à Laurent André « oui mais bon, on est à la limite, ici ; ça ressemble plus à de la littérature avec des bouts d'illustrations dedans ». Ce ne sont après tout que des petits bouts de textes indépendants et rigolos à lire à la queue leu leu. (Et certains font ça très bien.)
MAIS !
Ce serait oublier sciemment tout son travail de mise en place et de mise en relation des différents éléments, pour que tous résonnent plus qu'un seul.
DE PLUS...
La littérature ne contient (presque) que des mots. La bande dessinée contient des images, des mots, des sigles, et SURTOUT travaille à les agencer comme bon lui semble sur une page pour en faire un tout harmonieux.
La littérature ne contient (presque) que des mots. La bande dessinée contient des images, des mots, des sigles, et SURTOUT travaille à les agencer comme bon lui semble sur une page pour en faire un tout harmonieux.
DONC.
C'est la bande dessinée qui contient et utilise en partie la littérature, tout ça pour devenir une forme artistique plus large, plus libre, plus emplie de possibilités. Un ensemble de possibilités qu'utilise au maximum Laurent André.
ET DONC, ENFIN.
C'est la littérature qui est un sous genre de la bande dessinée. (Et toc !)
(Et si d'aventure, au cours d'un dîner mondain, vous tombez sur des gens affirmant que la bande dessinée est un sous-genre littéraire, vous savez maintenant que vous pouvez leur rire au nez, leur balancer un bel « effet miroir » « céçuikidikihié », et partir comme un prince en vous drapant dans votre cape.)
ET DONC, ENFIN.
C'est la littérature qui est un sous genre de la bande dessinée. (Et toc !)
(Et si d'aventure, au cours d'un dîner mondain, vous tombez sur des gens affirmant que la bande dessinée est un sous-genre littéraire, vous savez maintenant que vous pouvez leur rire au nez, leur balancer un bel « effet miroir » « céçuikidikihié », et partir comme un prince en vous drapant dans votre cape.)