jeudi 7 juillet 2016

La bande dessinée fait ouf.

OU EST-CE QU'ON EN ÉTAIT DONC ? HA OUI !

Houlàlà dites donc, ça a l'air d'être la méga patate ici !

NOUS DISIONS QUE LE MONDE VA À SA PERTE CAR LES HOMMES SONT DE GROS MONGOLOS.

Otomo et Miyazaki présentent tous les deux dans leurs œuvres respectives (Akira et Nausicäa) une vision imagée de la guerre nucléaire sous la forme d'un géant enfantin, qui ne sait pas ce qu'il fait, qui contrôle mal des pouvoirs gigantesques, et qui est tout triste en dedans de lui.

Mais les deux auteurs ne présentent pas que la conséquence de cette guerre, mais également les moyens de ne plus recommencer. Des moyens, pour le coup, très différents d'un auteur à l'autre. 

SOLUTION POLITIQUE À LA RUPTURE DU CERCLE DE LA VIOLENCE.

(Si avec ça je me fais pas linker par le monde diplomatique, c'est à n'y plus rien comprendre.)

MIYAZAKI EST COMMUNISTE.

Ce qu'il veut, c'est construire une société ou tout le monde s'aime, tout le monde se comprend, personne n'est supérieur ou inférieur à l'autre, tout le monde comprend qu'il est une pièce d'un immense rouage cosmique et qu'il a besoin des autres pour exister.

Pour expliquer son point de vue, il utilise les bestioles les plus vilaines possibles (des insectes avec plein de pattes poilus et des mandibules grosses comme mon bras (et plus grosse encore) (avec du mucus) (passons)) et montre que : 1°) ces bestioles sont comme nous (elle ont un amour filial, elle on un sens de la patrie, du groupe) 2°) ces bestioles sont meilleures que nous (elle se pourrissent pas la tête à coup de guerres à la con, elle essayent de dépolluer la planète) 3°) ces bestioles ont construit une société plus efficace que nous (elles communiquent télépathiquement entre elles et sont toutes en cohésion les unes avec les autres, aucun individu ne joue le chef, tout le monde est logé à la même enseigne, et le groupe prime).

Des tentacules bien dégueu, heureusement qu'on et pas dans un hentai, sinon ça aurait mal fini, cette histoire.

Et la grosse spécialité de Miyazaki : les filaments qui bavent. (De toute façon, c'est pas compliqué : 
si on n'est pas mal à l'aise face à des trucs tout humide et craspec, Miyazaki ne le dessine pas.)


Mais voilà, à contrario, les bestioles repoussantes en ont dans le chou et sont beaucoup plus évoluées politiquement que les humains qui ne font que se taper dessus à longueur de temps.

Bon, ok, du coup, ça fait peut être de Miyazaki un communisto-écologisto-bobo-hippi, mais vous comprenez un peu le point de vue : il faut rester open minded, ne pas craindre l'autre, l'acccepter dans sa différence, organiser sa vie pour favoriser le groupe et aider chaque individu (et porter du patchouli, des cheveux longs, et des tongues).

Ce que fait exactement l'héroïne, qui obéit à un schéma simple : elle arrive quelque part, tout le monde se tape dessus, elle, elle dit qu'il faut arrêter et être amour de son prochain, les gens la regarde bizarre, un mec se fait buter, elle pleure d'empathie, les gens réalise qu'elle est gentille, sont émus, et ne la bute pas, au contraire, ils se disent « ouhlàlà, sacré nana ».

Solution pour réussir sa vie : d'abord on est gentil avec tout le monde.

Ensuite, tout le monde vous adule comme un dieu.

Et enfin, vous amenez le bonheur et la compréhension de l'autre sur Terre.

Franchement, c'est pas bien compliqué. Alors, à vous de jouer, j'ai envie de dire.

NAUSICÄA, JEANNE D'ARC, MÊME COMBAT !

Ce système est tellement mis en avant que, au final, ne survivent dans le récit que les personnages qui épousent le point de vue de l'héroïne. Tous les personnages qui roulent pour leur gueule plutôt que pour le groupe, tous les personnages qui manquent d'empathie ou d'intérêt pour son prochain meurent par là où ils ont pêchés.

First I was like :

But then I was like :

Bref, l'amour de son prochain règne en maître chez Miyazaki (ça, et les gros insectes baveux plein de tentacules).

OTOMO EST ANARCHISTE.

Ce qu'il veut, c'est tout péter.

Alors, attention, on connait quand même mal le milieu anarchiste, parce que, à la base, justement, le milieu anarchiste veut surtout organiser une société où tout le monde s'aime, tout le monde se comprend, personne n'est supérieur ou inférieur à l'autre, tout le monde comprend qu'il est une pièce d'un immense rouage cosmique et qu'il a besoin des autres pour exister (moi, ça me rappelle quelque chose) (le copié/collé, quelle merveilleuse invention).

Le but de l'anarchisme, c'est que tout le monde soit l'égal de tout le monde, mais en vrai de vrai, avec aucune tête que ni dépasserait sous prétexte qu'il piloterait les autres. Nan ! Suppression de toutes les formes de gouvernement. On décide de tout tous ensemble, et pis c'est tout.

Et comment faire disparaître toutes ces formes de gouvernements ? C'est pas compliqué. Otomo a la solution. Un concept clair, simple, précis, compréhensible par tous. Le concept du « tout faire péter ».

Non seulement, Otomo arrive visuellement à détruire petit à petit tout l'univers qu'il a construit (on avait déjà vu qu'il partait d'un dessin bien droit pour ensuite briser toute les lignes, puis carrément aller dans des images (relativement) plus nébuleuses, à base de fumée ou de bébé qui font plotch), mais la progression dramatique de son bouquin elle-même est basée sur la destruction systématique de n'importe quelle figure de pouvoir.

La science, l'armée, la religion. Tous des cons. Tous aux chiottes. (Ah, j'ai pas dit que c'était subtil, comme message.) C'est pas compliqué. A chaque fois, il prend une figure, il la rend classe, puis il la détruit.

LE SCIENTIFIQUE À MOUSTACHE.

Le scientifique qui comprenait le mieux le pouvoir d'Akira et des enfants-vieux-frippés se fait avoir par sa fascination pour le phénomène qu'il observe depuis trente ans.



On a ainsi droit à toute une floppée de « first I was like : trop la classe » « but then I was like : une belle merde ».

LA VIELLE MYSTÉRIEUSE AVEUGLE QUI N'EN SAIT DES CHOSES.

La religieuse/sectaire qui paraissait être un refuge, une solution alternative, un oasis dans le désert de la destruction, est elle aussi prise en défaut par son ego. Elle comprend encore mieux les choses que les autres (et pour cause : elle est elle même un enfant-frippé-aux-supers-pouvoirs), et reste persuadée qu'elle est la seule à pouvoir les régler. Perdu.




Grosso modo, tout le monde est rendu à l'aspect de clodo suppliant d'être épargné à la fin du bouquin.

LE GÉNÉRAL QUI FERAIT UN TRÈS BON MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.

Le militaire est la figure d'autorité qui s'en sort le mieux (pas la figure du militaire en elle-même mais le personnage du colonel). Parce qu'il était le plus conscient du risque qu'était Akira, et qu'il a essayé de faire du mieux possible pour l'éviter. C'est déjà un bon point pour lui. Bon, après, sa solution, c'était de se transformer en Manuel Valls sous tranxène fonder une dictature militaire, donc, bon, c'est moyen-moyen comme idée. Résultat, il finit quand même comme un vieux clodo. Bien fait.

Ok, il a l'air de piger plus de truc que la moyenne.


Mais il est quand même un peu trop vallsien pour être honnête.

Et il finit donc légitimement tout seul, un genou en vrac, et littéralement à contre-sens de l'histoire.

ET PUIS TOUS LES AUTRES ! (PAS DE JALOUX.)

Est-ce qu'une fois qu'on a viré tout ce beau monde, la société tourne mieux ? Pas du tout ! Parce que d'autres abrutis s'approprient le pouvoir et le même système merdique recommence. Du coup, bon, bin Otomo leur pète la gueule également.

On sent tout l'amour de son prochain d'Otomo qui irrigue cette représentation du peuple qui bien content du moment qu'on lui donne du pain et des jeux de la drogue et des morts (c'est plus franc du collier).

Tu veux prendre le pouvoir ?

Bin t'aurais pas du le faire dans une bande dessinée d'Otomo.

VIVE LA REBELITUDE !

Plus aucune autorité tutélaire ne doit survivre. Point. Soyez pas de mauvaise volonté, c'est quand même pas compliqué à comprendre, comme système.


Même pour aider. Même pour être gentil. Même en offrant des Tuc goût bacon pour montrer sa bonne volonté.
Plus de pouvoir du tout, on vous dit !

REPRENONS DEPUIS LE DÉBUT.

Les deux auteurs sont partis de la même base, le traumatisme apocalyptique japonais.

Sangoku, sort de ce corps !

Les deux auteurs ont développé une structure de récit semblable (des récit pour ados), à bases de petits jeunes qui n'en veulent et de vieux mentors mystérieux.

Juliette je t'aime, sort de ce corps !

Les deux auteurs on ensuite mis en scène ce fameux cercle de la violence qui amène l'humanité à vouloir s’annihiler régulièrement, en utilisant la même métaphore d'enfant capricieux et un peu débile consumé par le pouvoir qu'il utilise.

Gremlins, sort de ce corps !

Ils ont secoué tout ça dans un shaker, et obtenu leurs récits respectifs. Des récits, au final, complètement différents.

POURQUOI ?

Parce que les idées politiques des deux auteurs sont complètements différentes.

Otomo milite pour le A de l'anarchie !


Miyazaki est fan du A de l'amour !

Parce que les buts esthétiques des deux auteurs sont complètement différents.


Le zen.

Ou la destruction (pas très feng shui, la destruction).

Parce que l'approche bande-dessinesque des deux auteurs est complètement différente.

Ce qui intéresse Miyazaki, c'est l'émotion. 
Il cadre donc les visages des personnages proche et de face, pour y lire le plus de subtilités possibles. 

Ce qui intéresse Otomo, c'est l'impact de l'environnement sur ses personnages et inversement (l'environnement urbain étouffe l'humain, et les humais font tout péter la ville ensuite). Il a donc des cadres plus versatiles afin de mieux décrire et chorégraphier comment se meuvent les personnages dans cet environnement.

BREF. PARCE QUE LES DEUX AUTEURS SONT TRÈS DIFFÉRENTS !

Les deux bandes dessinées sont très différentes parce que les deux auteurs sont très différents. Es-tu bien sûr de cette remarque éminemment intellectuelle qui va ma foi révolutionner l'approche artistique de tout le XXI° siècle ?

SI ! IL Y A QUAND MÊME UN POINT COMMUN ENTRE EUX !

Ha. Je me disais bien.

LES DEUX AUTEURS SE DONNENT COMPLÈTEMENT AU-TRAVERS DE LEURS ŒUVRES.

Pas de filtre. Pas de demie mesure. Pas de calculs. Ils balancent tout ce qu'ils ont sous le capot pour aller le plus loin possible.

D'où, parfois, cette impression que Nausicäa est un peu gnan-gnan. (Nausicäa n'est pas gnan-gnan mais sincère et à donf dans cette vision « la compréhension de l'autre sauvera le monde » de l'auteur.)

D'où, parfois, cette impression que Akira est un peu dégénéré. (Akira n'est pas dégénéré mais sincère et à donf dans cette vision « rebellez-vous et envoyez aux chiottes vos gouvernants pour vivre votre propre vie » de l'auteur.)

LE SECRET D'UN BON BOUQUIN RÉSIDE EN DEUX MOTS :

LE TALENT.

Mais, bon, là, tout le monde est pas logé à la même enseigne, et puis les goûts et les couleurs, et puis, bon, le talent, des fois ça vient sur le tard, des fois ça quitte un auteur tôt, c'est encore plus fluctuant que la valeur de la livre sterling, le talent.

ET LA SINCÉRITÉ.

Faut rien calculer. Faut tout donner.

Allez ! On ouvre son petit cœur et on se lâche !

3 commentaires:

  1. Très beau parallèle ! En revanche j'étais un peu décontenancé par la conclusion. Le talent et la sincérité font le génie de ces œuvres-là, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'on a des œuvres géniales précisément parce qu'au contraire elle sont dans la retenue, le faux-semblant et le louvoiement. Mettons par exemple chez Hugo Pratt ?
    En fait je me demande même dans quelle mesure ce rapport frontal avec la narration n'est pas typiquement japonaise...

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    1. Ha oui, pas con comme idée ! Hummmmmmm... Je sais pas trop. C'est vrai que les auteurs sont souvent obligés de louvoyer, parce que les éditeurs leurs imposent un type de récit ou un type de héros précis. Mais dans ce cas là, j'ai tendance à penser qu'ils subliment leurs frustrations de ne pas parler de ce qu'ils veulent en parlant de quelque chose qui les intéressent quand même : la bande dessinée. Voire les posts super intéressants sur un blog (je sais plus lequel) à propos de Tome, Janry, et Stuf, qui ont tout donné pour pousser leurs capacités artistiques dans les derniers retranchements. Si on ne peut pas être sincère politiquement ou philosophiquement, on donne tout sur le côté artistique (c'est ce qui est arrivé à Hergé, par exemple, bridé par ses propres névroses qui l’empêchaient de se lâcher, et qui s'est complètement arraché dans l'aspect plastitico-artistique de ses BD) (Bien sûr, il y aussi des cas particuliers, comme Moebius, qui réussi à joindre recherche plastique, repoussage des limites artistiques, et symbiose avec sa philosophie de vie).

      Nonobstant ! Je vous remercie d'avoir parlé de Pratt, parce que je n'y aurais pas pensé moi-même (je suis bête), mais il offre un parfait contre-exemple : pour moi, à titre personnel et amha tout ça, Corto Maltese est une vision sublimée de Pratt (ce serait Pratt qui aurait moins mangé et aurait continué la vie d'aventurier dont rêvait le jeune Pratt). Pratt s'arrache lui-aussi dans ses BD pour montrer ce qu'il aurait voulu être. La chose à laquelle il tient le plus, dans sa vie, plus qu'une révolte contre la société (comme Otomo) ou une volonté panthéiste (comme Miyazaki), c'est la nostalgie de la vie qu'il aurait voulu vivre ; et il en a fait le moteur central de sa capacité créatrice (et cette nostalgie diffuse dans tous les récits) (Par exemple : Corto Maltese ne choppe jamais la fille du récit, il n'arrive pas à vivre d'histoire d'amour comme Pratt n'arrive pas à vivre d'histoire d'aventurier). Comme ce moteur est acceptable éditorialement, c'est passé. Ça passe aussi pour Macherot et sa fascination de la nature. Ou Killoffer et sa fascination pour lui-même.

      Mais vous avez raison : le système éditorial japonais permet de mieux sortir des clous, et d'aborder des sujets différents, moins consensuels, plus violents. Plus d'auteurs peuvent avancer à visage découvert, sans se cacher à la Hergé. La richesse des sujet est plus grande (et, surtout, leurs traitements plus sincères, et dons plus intéressants).

      Par contre, je pense que, pour donner de grandes œuvres, il faut forcément que les auteurs soient intéressés viscéralement par qqch dans le bouquins qu'ils sont en train de construire. Et pas que ça soit un énième western de commande, une énième version sf de l'odyssée, une énième bd de fille. (Et qu'ils ne soient, donc, pas trop de le louvoiement.) Ils faut que les auteurs trouvent un point de vue à défendre bec et ongle, qu'il soit artistique (Franquin), politique (Grant Morrison), ésotérique (Alan Moore), philosophique (Mandryka), social (Forest), ou que sais-je.

      Enfin, je crois.

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  2. Merci pour ce super article !

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