samedi 29 mars 2014

La bande dessinée étale sa culture.

Abel Lanzac, Christophe Blain et Clémence Sapin nous montrent que c'est bien plus pratique de faire de la bande dessinée en pompant des auteurs morts depuis des lustres.

Abel Lanzac, Christophe Blain, Clémence Sapin, Quai d'Orsay, Dargaud.

Comme ouvrir des dictionnaires risquerait de me muscler et qu'on n'est jamais mieux servi que par wikipédia, ce dernier m'apprend que « la culture » est, selon le sociologue Guy Rocher« un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».

Punaise ! Dites moi pas que vous regrettez d'être venu après avoir appris lu ce genre de choses !

DU COUP (SELON MOI, HEIN)  EN MATIÈRE D'ART, LA CULTURE PEUT SE MANIFESTER DE DEUX MANIÈRES...

La première manière, et la seconde manière.

LA PREMIÈRE MANIÈRE.

Est celle qu'ont deux artistes d'arriver au même point en ayant suivi des chemins différents chacun de son côté. Et de constater que, s'ils en sont arrivés à se croiser, c'est qu'ils ont les mêmes opinions, les mêmes idées, les mêmes buts artistiques, qu'ils sont frères, qu'ils sont amis, et plus si affinités.

Autrement dit : « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées [...] partagées par une pluralité de personnes ».

L'exemple classique de ce cas de figure est Superdupont.


Lob et Gotlib ont eu l'idée de ce personnage chacun de son côté, sans ce consulter. Ils s'en sont rendu compte. Ils ont finalement décidé de monter le projet en collaboration et bonne entente.

(Si on veut se la péter on peut aussi parler de Blaise Pascal et Sei Shonagon qui ont inventé, l'une au Japon en l'an mille avec ses notes de chevet, l'autre en France au XVII° siècle avec ses pensées, la littérature par fragments. Mais ces ringards n'ayant pas fait de bande dessinée, nous allons revenir à Superdupont.)

Lob et Gotlib se sont rendu compte qu'ils avaient « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées ». Apprenant cet état de fait ils l'ont utilisé pour « [se] constituer [...] en une collectivité particulière et distincte »

Une collectivité qui s'est petit à petit élargie...



Solé et Alexis rejoignent ainsi la seconde manière.

LA SECONDE MANIÈRE.

Quand on trouve que quelqu'un fait des choses intéressantes, qu'on s'y intéresse sur un ou plusieurs plans (processus créatif, technique artistique, discours sous-tendu par l’œuvre, etc...) et qu'on a envie d'explorer cette même voie...

Autrement dit : « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées [...] apprises [...] par une pluralité de personnes »

IL NE FAUT PAS SE VOILER LA FACE.

(Déjà, parce que sinon on se prend des réverbères.)

La plupart des manifestations de la culture se font suivant la seconde manière, au travers de différents jeux d'influences (aussi appelé « ils ont lu un truc qui leur a plu, ils le pompent éhontément »).

Par exemple, cet hiver, le monde (et par le monde, je veux dire le journaliste livre du Monde) a appris l'existence de Gus Bofa.


 

Si vous voulez caler une armoire, hé bien n'utilisez surtout pas ces livres, 
ils sont bien trop épais, elle sera toute de guingois.

Ce fameux Gus Bofa (né en 1883) a influencé différents auteurs de la bande dessinée nés dans les années 70. Qui ont eux-mêmes influencés d'autres auteurs nés dans les années 80. A leurs tour, n'en doutons pas, ils influenceront les auteurs de demain...

Et c'est ainsi que se manifeste cette fameuse culture. Par un socle commun artistique que les différents auteurs d'une même époque connaissent et reconnaissent ; qui les influence et qu'ils enrichissent. Des références communes (« un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir »), reconnues (« plus ou moins formalisées »« apprises et partagées par une pluralité de personnes »), pour des buts artistiques communs (« servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte »)

Par exemple :

GUS BOFA A INFLUENCÉ CHRISTOPHE BLAIN.


Candide (de Voltaire, hein) illustré par Gus Bofa.

Isaac le pirate - tome 2 - Les Glaces (couleurs de Walter & Yuka).


Toujours Candide illustré par toujours Gus Bofa.

 On prend les mêmes et on recommence.

Devinez quoi illustré par devinez qui.

Tata Yoyo, de Blaise Cendrars.

MAIS CE N'EST QU'UN JUSTE RETOUR DES CHOSES, PUISQUE GUS BOFA AVAIT LUI-MÊME POMPÉ CARAN D'ACHE.

  • Les mêmes poses...
Le rire n°396 - Comment j'ai conquis la Russie, par Caran d'Ache.

La baillonette n°93, par Gus Bofa.

  • Les mêmes sujets...
Le rire n°315 - La guerre des Boers - Cecil Rhodes : l'argent, c'est le sang des autres, par Caran d'Ache.

Gus Bofa qui fait aussi de la politique (et de la bande dessinée, tiens)...

  • Les mêmes intérêts...
Caran d'Ache dans Le rire...

Et Gus Bofa dans le rire aussi...

  • Les mêmes méthodes (transposition médiévale de situations actuelles).
L'impôt chez Caran d'Ache (qui était un peu réac). 
(Je dis ça pour être gentil, mais en fait il était pas loin d'être complètement con.)

La guerre chez Gus Bofa.

LE DÉCOUVRANT, OU TROUVANT UN COMPLÉMENT A GUS BOFA, CHRISTOPHE BLAIN A, A SON TOUR, ÉTÉ INFLUENCÉ PAR CARAN D'ACHE.

Comment on fait un chef-d'œuvre, de Caran d'Ache (qui faisait aussi de la bande dessinée, dites donc).




Christophe Blain, Isaac le pirate - tome 5 - Jacques, couleurs de Walter & Yuka.

DONC, BON, BHÉ ÇA FAIT UNE CHAÎNE D'INFLUENCE, D'ACCORD. DU POMPAGE, OK. MAIS ÇA NE FAIT PAS DES COMMUNIONS DE PENSÉES, OU DE LA CULTURE, OU JE SAIS PAS QUOI. EST-CE QUE TU NE TE SERAIS PAS UN PEU MONTÉ LE BOURRICHON ?

En fait, non. 

(Ça me désole que vous vous posiez la question, puisqu'on en parle, d'ailleurs...) 

Il se trouve que Bofa n'était pas tout seul à son époque (il a rallié des tas d'amis aux vues communes durant toute sa carrière et plus particulièrement avec la constitution d'une sorte de cercle, Le salon de l'araignée). 

De même, aujourd'hui, Christophe Blain n'est pas isolé, et beaucoup de ses congénères se sont fait classer Nouvelle Bande Dessinée (française) (de qualité) et connaissent le travail de Bofa. Parmi les auteurs de la Nouvelle Bande Dessinée Française (de qualité) (allégée en matière grasse), on y range souvent de Crécy (également très intéressé par l'illustration) (tellement qu'il laisse tomber officiellement la bande dessinée tout les 5 ans avant d'y revenir), Sfar (intéressé par la liberté du trait autant que du propos) (un propos qui devient un peu trop libre parfois), Guibert (qui lui aussi réalise des récits de guerre), et pis Blutch (on cite toujours Blutch, ça fait stylé dans les dîners). Et puis des tas d'autres zigues...

Gus Bofa par Philippe Dupuy et Charles Berbérian.

Gus Bofa par Nicolas de Crécy.

A distance, Gus Bofa et ses amis, puis Christophe Blain et ses amis, ont « d'une manière à la fois objective et symbolique, [constitué] une collectivité particulière et distincte », avant de constater que ces deux communautés n'en faisait qu'une puisqu'elle avaient les mêmes « manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées ».

COMMENT ÇA « C'EST UN PEU COURT, TU T'ES PAS FOULÉ MON COCHON » ?

HA BIN SI C'EST COMME ÇA, LA SEMAINES PROCHAINE, D'AUTRES AUTEURS PRIS DANS LES MAILLES DE L'INFLUENCE BOFASIENNE.

FAUT PAS ME CHERCHER, MOI.

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