vendredi 29 mai 2015

La bande dessinée fait de l'autobiographie.

Fabrice Neaud, Florence Dupré la Tour, et David De Thuin nous montrent comment faire de l'autobiographie en bande dessinée.

Alors, là, c'est David De Thuin, qui s'autoédite pour montrer qu'il fait des trucs tro tro meugnon avec ses enfants.

La vie d'un auteur de bande dessinée, je sais pas vous, mais, moi, je m'en fous complètement. 

RIEN DE PERSONNEL À CELA.

Je me tape tout autant de la vie d'Albert Einstein ou de Kirk Douglas.

Connaître les motifs de leurs pyjamas en pilou, savoir s'ils prennent de la ricoré ou du thè vert au petit-déjeuner, apprendre qu'ils conduisent une Vel Satis ou une Fuego pour aller travailler. Tout ça, je pense qu'on peut tomber d'accord là-dessus : on s'en moque.

Et ce qui est valable pour albert Einstein l'est aussi pour David De Thuin.

SAUF QUE LES ÉCRITS AUTOBIOGRAPHIQUES ONT UN AUTRE INTÉRÊT QUE DE SAVOIR SI VOTRE AUTEUR PRÉFÉRÉ ÉCOUTE NAGUI ENTRE MIDI ET DEUX.

Un récit autobiographique donne tout de suite l'impression d'être réel.

C'est l'auteur qui raconte. C'est basé sur sa vie. Ça lui est arrivé. Il parle de vrais gens, de vrais lieux, de vrais évènements. Tout ça est RÉEL.

CE QUI REJOINT LES PRÉOCCUPATIONS GÉNÉRALES DES AUTEURS DE FICTION.

Parce que quand des auteurs construisent un récit, leur but est qu'on se sente un minimum concerné par ce qui se passe dans les cases. Un but qu'ils atteignent en faisant en sorte :
  • qu'on croit aux personnages (et de une).
  • qu'on croit au récit (et de deux).
CES DEUX MOUVEMENTS ÉTANT PRESQUE CONTRADICTOIRES.

Plus on s'implique, plus on s'identifie aux personnages, plus on se projette dans le récit qu'on est en train de lire, plus on s'approprie ce récit, moins il devient le récit des auteurs et plus il devient notre récit. Plus il s'éloigne des faits qui se sont vraiment passés pour en devenir notre propre interprétation.

ALERTE PERSONNAGE.

En évoquant des personnes représentées dans des autobiographies en bande dessinée, je vais me la péter, et parler de personnages. Parce que ce ne seront toujours que des représentation, partielle, parfois biaisées, parfois orientées, mais en tout cas toujours revues, revisitées, interprétées par l'auteur. Un personnage donc, plus qu'une personne. Un petit bout de fiction dans ce qu'il a voulu raconté de vrai.

Comme je me suis déchiré pour trouver une illustration très à propos de mon propos.

REVENONS À CE QUE JE DISAIS.

Plus on croit à des situations, des personnages, plus on se rapproche du déroulé réel des faits, plus ils vont nous paraître extérieurs, plus on en est spectateur. C'est arrivé, ok, c'est bon, je suis d'accord. Mais, c'est arrivé à un autre, pas à moi.

ESSAYONS UN PEU DE DÉTAILLER CES DEUX FACES DE LA MÊME PIÈCE.

Oui, parce que pour le moment, j'ai rien compris.

C'EST NORMAL, NE VOUS INQUIÉTEZ PAS. MOI NON PLUS JE NE ME COMPRENDS PAS.

Quelque part, c'est rassurant.

TOUT D'ABORD, PARLONS D'IMPLICATION VIA UN PERSONNAGE.

Ce qu'il faut, c'est qu'on se sente concerné par les personnages, qu'on craigne pour leurs vies, qu'on rie avec eux. Qu'on ait l'impression qu'ils feraient de très bons amis ou des ennemis difficiles à combattre.

Alors, bien entendu, nous ne sommes pas complètement fous (enfin, vous, je sais pas, mais, me concernant, je suis presque sûr de ne pas l'être, j'en discutais hier avec Napoléon et il était d'accord). Nous savons bien que ce ne sont que des personnages de papier inexistants. Mais nous établissons une sorte de relation « oui mais si ».

Le plaisir de l'incarnation est une raison non négligeable de lire quoi que ce soit.

« Oui mais si » Pirlouit existait, je suis sûr qu'on serait trop copains (surtout parce que je serais un des seuls à savoir que ça se prononce « Pirlouitte »).

« Oui mais si » Portos existait, je suis sûr qu'on se torcherait la gueule tous les soirs comme des gros sagouins, halàlà, qu'est-ce qu'on rigolerait bien (mais comme, là, tout de suite, je ne le connais pas encore, je vais plutôt prendre une volvic) (c'est bon, une volvic, y a plein de magnésium).

« Oui mais si » j'avais été un immigré américain à la fin du XIX° siècle, est-ce que je serais devenu cow-boy comme John Wayne.

« Oui mais si » les sabres-lasers existaient, ce serait quand même putain de cool (et je m'en tape de savoir que ce n'est pas possible physiquement ou techniquement, chut, je rêve). (T'as pas envie d'être un chevalier jedi, peut être ? Bon. Alors.)

Tout le monde a envie d'être un jedi. 
Je ne vous crois pas si vous dites le contraire. 
Ou que vous ne savez pas de quoi je parle.

JE VAIS PAS CONTINUER COMME ÇA JUSQU'À LA SAINT GLINGLIN.

On se projette dans un personnage, en se demandant ce qu'on aurait fait à sa place.

Puis, par extension, on se projette dans les situations qu'il vit.

Puis on se projette dans l'univers qu'il occupe.

BREF, ON SE PROJETTE.

Mais, du coup, on déforme.

Ce n'est plus vraiment le personnage qui vit ses aventures, mais un mixe entre nos pensées, nos envies, nos désirs, et ce fameux personnage.

Le récit devient moins factuel, mais plus habité.

OUI MAIS QU'EST-CE QU'ON S'EN FOUT QUE LE RÉCIT SOIT « MOINS FACTUEL », COMME TU DIS ? DU MOMENT QU'ON KIFFE ? (OUI, MOI AUSSI, JE SAIS UTILISER DES MOTS DE JEUNES.)

De manière générale, c'est vrai, on s'en moque (quoi que, si on veut faire une bande dessinée historique...) et on aura plutôt tendance à toujours favoriser l'implication du lecteur.

Sauf que, quand on se met à faire de l'autobiographie, des fois, on a quand même envie de raconter vraiment ce qui s'est passé, sans que ça soit tout flou et tout déformé dans la tête du lecteur.

Du coup, à l'inverse de tout à l'heure, certain auteurs vont essayer de moins impliquer le lecteur (ou de l'impliquer différemment, comme on essayera de le voir plus tard) (oui, je sais, c'est long).

C'est pas compliqué : moins une situation nous impliquera, moins nous nous sentirons concernés, plus nous serons à même de regarder les faits avec objectivité.

L'objectivité, c'est pas pour les mous !

TOUT ÇA, C'EST LA FAUTE A PUJADAS (C'EST DE TOUTE FAÇON TOUJOURS LA FAUTE À PUJADAS, PAR PRINCIPE).

Le bon exemple qui marche à tous les coups, c'est le phénomène de différence kilométrique des sentiments.

Un tremblement de terre au Népal ? C'est vachement loin de chez nous quand même. Du coup, avantage : on regarde les faits avec objectivité (les morts, les survivants, les secours). Inconvénient : on s'implique très peu (on fait limite des stats, et c'est tout).

C'est vrai qu'il y a plus fun, quand même, que le récit froid et objectif.

Que font donc les journalistes ? Ils cherchent des survivants français pour que le spectateur se sente plus concerné (et on parle bien de spectateur, puisqu'ils essayent de créer un spectacle, un récit). Ils renoncent à l'objectivité (le mec raconte ce qu'il a vécu, ce qui est, par définition, subjectif), et disent oui à l'implication (on se dit : « il est français quand même, ça pourrait être nous ; moi aussi, j'ai toujours eu envie de partir au Népal (terre de contrastes), je pourrais très bien être à la place de ce bonhomme ; mon dieu, je l'ai échappé belle »). Le spectateur s'implique, il fait plus attention à ce qu'on lui raconte, mais les faits sont complètement déformés.

Deux versions différentes d'une même approche autobiographique (plus réaliste à gauche, moins à droite).

DANS LE COEUR DE CHAQUE AUTOBIOGRAPHE, IL Y A UN PETIT PUJADAS QUI SOMMEILLE.

Quand les auteurs décident de faire de l'autobiographie, il se retrouve comme Pujadas face à une dépêche AFP.

Faut-il la traiter objectivement ? Mais moins impliquer le lecteur ? Mais donner une plus forte impression de véracité et de réel ?

Faut-il la traiter subjectivement ? Mais perdre en vérité ? Mais gagner en pouvoir de suggestion ?

Eh bien, comme d'habitude, la majeure partie des choix des auteurs va osciller entre ces deux extrêmes.

Et nous en verrons des exemples pas plus tard que la semaine prochaine !

DONC, BON, OUI, VOILÀ, EFFECTIVEMENT, ÇA, C'ÉTAIT JUSTE L'INTRODUCTION.

C'est vous dire si le reste va être long. Je ne vous en voudrais pas si vous lâchiez l'affaire dès à présent. (En fait, je vous en voudrais pas mal, mais vous vous en foutez) (nous sommes séparés par tout l'inter-web, vous avez donc une faible implication à mon égard) (alors que si c'était votre tata qui rédigeait ce blog, vous vous forceriez à tout lire) (ne niez pas) (vous n'êtes pas mieux que Pujadas, finalement).

NONOBSTANT TOUT CELA, LA SEMAINE PROCHAINE, NOUS ESSAYERONS DE VOIR UN EXEMPLE DE BANDE DESSINÉE AUTOBIOGRAPHIQUE QUI ESSAYE DE REGARDER LES FAITS AVEC OBJECTIVITÉ (ET COMMENT ELLE NE SE PREND PAS LES PIEDS DANS LE TAPIS) !


6 commentaires:

  1. Bonjour, pouvez-vous indiquer l'auteur de la planche avec Vador. Merci

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    1. Je voulais faire genre teasing puisqu'ils reviendront tous dans les semaines prochaines, mais, donc, les auteurs des planches sont, par ordre d'appartition : David De Thuin ("Interne n°1", autoédité), Florence Dupré la Tour ("Cigish ou Le Maître du Je", chez Ankama) et Fabrice Neaud (Journal n°1, chez égo comme x).

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    2. merci! et désolé pour le teasing

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  2. Et moi qui croyait que durant toutes ces semaines vous étiez plongés dans les 50.000 albums des "Petits hommes", série qui m'a tout de suite été antipathique en raison du décalcomanie de Franquin par Seron, mais qui m'intrigue à présent, depuis que j'ai lu les commentaires du précédent billet. Et comme je vis à 2000 kilomètres de la bibliothèque municipale française la plus proche, je n'ai pas d'autre moyen de satisfaire cette curiosité que l'internet...

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    1. Bin oui, je vous comprends, je me déçois moi même. Les petits hommes sont bien prévus au programme (je suis un personne très influençable), mais pour un peu plus tard, avec d'autre héros de chez Spirou. Pour le moment, le suspense reste entier sur les qualités ou non de cette série. Que de stress !

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    2. 1) merci de votre compassion, mais ça va, j'arrive encore à dormir la nuit ;)
      2) j'attend avec impatience la suite de votre série de billets sur l'autobiographie, même si, en la matière, mon préféré reste David B. avec son "Ascension du Haut-Mal"...

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